Grenoble : tensions de l’entre-deux-tours

À Grenoble, l’ex-candidat socialiste Jérôme Safar et l’écologiste Éric Piolle s’affrontent sur fond de rumeurs.

Lena Bjurström  • 28 mars 2014
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Grenoble : tensions de l’entre-deux-tours
© Crédits photos : JEAN-PIERRE CLATOT / AFP PHILIPPE DESMAZES / AFP

Depuis l’annonce, mardi, du maintien du candidat PS Jérôme Safar au second tour, Grenoble est devenu le champ de bataille de candidats à couteaux tirés. Toujours en lice, la candidate Front national Mireille d’Ornano (12,56 %) et le candidat UMP Matthieu Chamussy (20,86 %) alignent les critiques sur les programmes de leurs rivaux.

Mais c’est entre Jérôme Safar (25,31 %) – investi par le PCF et le PS au premier tour mais désavoué par ce dernier après l’annonce de son maintien dans la course – et Éric Piolle (29,41 %), à la tête de la liste EELV-PG-Réseau citoyen, que la bataille fait rage. Réunions et affichage de soutiens, les deux candidats enchaînent déclarations, accusations et démentis, tandis que, sur les téléphones portables des Grenoblois, les rumeurs courent.

De sms en sms

La liste écolo-citoyenne se dit en effet victime d’une campagne de rumeurs abracadabrantes, lancée notamment dans les quartiers sud de Grenoble, où le PS, historiquement fort, s’est effondré au premier tour des élections municipales, à la faveur des candidats d’Éric Piolle.

Depuis mardi, des messages non signés ont circulé sur les téléphones, alertant sur d’hypothétiques mesures du candidat écologiste.

« Salam, l’écologiste Éric Piolle, pour une soit disant protection animal veut interdit l’abattage rituel a l’abattoir de Grenoble. Les boucheries halal ne seront plus alimentées en viande halal. Nous ne pouvons pas l’accepter. Votez contre les verts. Voter safar Faites suivre inchAllah ! »

D’autres messages, selon lesquels Éric Piolle voudrait interdire aux femmes voilées d’aller chercher leurs enfants à l’école, supprimer les subventions des clubs sportifs et interrompre les rénovations des quartiers sud auraient également circulé, selon un proche de la liste EELV-PG-Réseau citoyen.

« Jusqu’à présent la campagne avait été assez digne, mais, depuis le premier tour, tout a changé, explique-t-il. Nous ne voulons accuser personne, nous constatons seulement que des choses anormales se passent depuis le début de la semaine. Des rumeurs circulent et nous forcent à multiplier les démentis. »

Dans un communiqué publié mercredi, Éric Piolle rappelle son attachement au respect des cultes et des pratiques religieuses, et appelle à une fin de campagne « digne et républicaine » .

De son côté, Jérôme Safar dénonçait dans un communiqué l’utilisation d’une mailing list de la ville de Grenoble par les équipes d’Éric Piolle et Matthieu Chamussy à des fins de « propagande électorale » , une pratique « illégale et inacceptable » . Il appelait les candidats à respecter leurs engagements pour une campagne « propre » .

Si des rumeurs circulent par voie de mails et de sms, d’autres accusations sont bien plus frontales.

Fustigeant le programme économique « risqué » de son rival écologiste, Jérôme Safar, interrogé par France Info, a dénoncé une stratégie « floue » et des liens possibles entre le candidat écologiste et Jean-Luc Mélenchon. « Et les déclarations de Jean-Luc Mélenchon, qui a dit qu’il voulait faire de Grenoble son vaisseau amiral, c’est ça que les gens veulent ? »

Illustration - Grenoble : tensions de l'entre-deux-tours - Page d'un tract de campagne de Matthieu Chamussy (UMP)

Jean-Luc Mélenchon, épouvantail de la campagne ? C’est en tout cas ce que sous-entend le tract du candidat UMP, Matthieu Chamussy, qui espère l’emporter grâce à la division de la gauche.

L’acte manqué de Christiane Taubira

En attendant, Jérôme Safar et Éric Piolle enchaînent les meetings et les annonces de soutien de la part de personnalités. Grenoblois ou non, peu importe.

L’ex-candidat PS aligne sur son site les messages de soutien du journaliste sportif Laurent Luyat ou de l’animateur Jean-Pierre Foucault (qui a par ailleurs assuré Jean-Claude Gaudin (UMP) de toute son amitié à Marseille).

Côté écologistes, la liste souligne les soutiens du maire écologiste de Stuttgart, Fritz Kuhn, ou du militant associatif Mohammed Mechmache, fondateur du collectif ACLEFEU.

En réponse à la rencontre entre Manuel Valls et la liste de Jérôme Safar, le 20 mars, Éric Piolle attendait jeudi 27 la venue de Christiane Taubira. Une visite annulée à la dernière minute, la garde des sceaux n’aurait pas pu prendre son train. Mais, selon un article du journal Le Point, cet acte manqué serait dû à des pressions des socialistes grenoblois. Michel Destot, maire PS sortant, aurait à deux reprises appelé l’Élysée pour faire annuler ce voyage.

À défaut d’un séjour grenoblois, la ministre a envoyé un message de soutien vidéo aux candidats de la liste EELV-PG-Réseau citoyen.

« Pour une campagne digne »

Lors d’un débat rassemblant les quatre candidats sur France 3 Alpes hier soir, Jérôme Safar comme Éric Piolle ont condamné les dérives de cet entre-deux tours.

« Certaines opérations, souvent à l’insu d’ailleurs des uns et des autres, peuvent se mettre en route. À nous justement de rappeler les bonnes règles » , a déclaré Jérôme Safar.

Éric Piolle a, lui, estimé qu’il y avait désormais un « consensus » de la part des candidats « pour dire [qu’ils écartent] toutes ces choses-là pour faire une campagne de projets ».

« De projets » , « digne » , « propre » , cette fin de campagne n’est en tout cas certainement pas apaisée.

Politique
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