Austérité : les surprises du programme de stabilité 2014-2017

La présentation en conseil des ministres, le 23 avril, du programme de stabilité pour 2014-2017, a donné lieu à quelques mises au point et surprises.

Thierry Brun  • 23 avril 2014
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Austérité : les surprises du programme de stabilité 2014-2017
© Photo: Le ministre des Finances, Michel Sapin, et le secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert, ont présenté, le 23 avril, le programme de stabilité ( ERIC PIERMONT / AFP).

Le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale , Bruno Le Roux indiquait le 22 avril que les députés PS, reçus par Manuel Valls pensaient « avoir été entendus » sur des aménagements du plan d’économies de Manuel Valls pour les retraités modestes et les fonctionnaires. Quelques jours plus tôt, une douzaine de députés PS avait demandé de réduire le plan d’économies de 50 milliards à 35 milliards d’euros.

La présentation du programme de stabilité pour les années 2014 à 2017 , en Conseil des ministres le 23 avril, montre que ces doléances ont été écartées par le gouvernement, qui au passage a durci son plan d’austérité pour l’année 2014. Au plan d’économies de 50 milliards prévus sur la période 2015-2017, s’ajoute une surprise de 4 milliards d’euros de réduction supplémentaire du déficit public dès 2014 , a annoncé le gouvernement dans son programme de prévisions pluriannuelles auxquelles se soumettent les États de la zone euro.

Le Medef peut être satisfait par le programme de stabilité de Manuel Valls : - Les entreprises sont les grandes gagnantes de la stratégie gouvernementale . Elles vont bénéficier de 30 milliards d'euros d'allègements de leurs cotisations patronales, auxquels s'ajoutent 10 milliards de réduction d'impôts d'ici 2017.
Ces 4 milliards supplémentaires, entièrement réalisés par des économies dans la dépense publique , s’ajoutent aux 18 milliards d’efforts (dont 15 milliards d’économies) prévus dans la loi de finance pour 2014 et seront détaillés à l’occasion d’un collectif budgétaire avant l’été. Les dépenses d’assurance maladie sont dans le collimateur de Bercy mais aussi l’assurance chômage… Le gouvernement compte de plus sur les premiers effets des gels de prestation sur les retraites et les allocations logement, qui ne seront pas revalorisées du montant de l’inflation au 1er octobre.

Le gouvernement a en outre confirmé qu’il voulait ramener le déficit public de la France à 3,8 % de son produit intérieur brut en 2014, à 3 % en 2015, 2,2 % en 2016 et 1,3 % en 2017. Cette trajectoire n’a pas convaincu le Haut conseil des finances publiques qui a rendu son avis le 23 avril sur « les prévisions macroéconomiques du programme de stabilité 2014-2017 » .

Le Haut conseil estime qu’il « existe un risque que les effets positifs sur l’emploi et les salaires de la politique d’offre n’atténuent pas les effets négatifs sur l’activité de la consolidation budgétaire à la hauteur et au rythme de ce qui est prévu par le gouvernement » . Il ajoute que « les mesures d’économies sont concentrées sur le début de la période 2015-2017 (avec une légère baisse de la dépense publique en volume en 2015) et pourraient peser davantage que prévu par le gouvernement sur la croissance à court terme » . De plus, le Haut conseil doute des prévision gouvernementales pour l’année 2015 : il considère « que le scénario macroéconomique présenté par le gouvernement comporte plusieurs fragilités et est sujet à différents aléas » .

Ces appréciations indiquent que le plan d’austérité de Manuel Valls n’est pas convaincant et risque de comporter de nouvelles mesures d’économies, sans doute proposées par la Commission européenne. Ainsi, le point d’indice qui sert de base de calcul des salaires des fonctionnaires sera bien gelé jusqu’en 2017 et ne contient pas de « clause de revoyure » , comme l’a affirmé Bruno Le Roux. Le programme de stabilité ajoute que l’État et ses opérateurs « prendront toute leur part au redressement des comptes publics avec un objectif de 18 milliards d’euros d’économies à l’horizon 2017 » .

Un effort historique devra être effectué sur les dépenses de santé , qui ne devront pas progresser de plus de 2 % par an en moyenne dès 2015, pour économiser 10 milliards d’euros d’ici 2017. Pour 2014, l’enveloppe globale des dépenses de santé a été plafonnée à 179,1 milliards d’euros, soit une progression de 2,4 %. Pour tenir les engagements du programme de stabilité, le gouvernement mise sur le développement de la chirurgie ambulatoire, permettant au patient de sortir le jour même d’une intervention (hospitalisation de moins de douze heures), l’augmentation de la part des médicaments génériques et l’amélioration du parcours de soins du patient. Mais c’est surtout l’accès aux soins pour les plus modestes qui sera de fait restreint en raison du manque de services publics.

Les autres secteurs de la protection sociale (retraites, famille, chômage) devront contribuer à hauteur de 11 milliards d’euros au plan d’économie de Manuel Valls. Ainsi 2,9 milliards seront économisés avec les réformes des retraites (de base et complémentaires) et de la politique familiale engagées en 2013. Et, en moyenne, les prestations vieillesse augmenteront de 2,7 % par an sur 2015-2017, les prestations familiales et celles concernant le logement de 0,2 %, et les prestations concernant le chômage devraient diminuer de 1,2 % par an sur cette même période.

Le vote consultatif de l’Assemblée nationale sur le programme de stabilité du gouvernement aura lieu le 29 avril. Il sera ensuite transmis à la Commission européenne qui devrait formuler, un mois après, des recommandations qui devront être théoriquement prises en compte par le gouvernement dans le prochain projet de budget de loi de finances pour 2015.


Le semestre européen

Politique
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