Le conseil national du PS légalise le Cambadélis

L’assemblée du PS réunie à huis clos a entériné la nomination du député de Paris au poste de Premier secrétaire décidée par l’Élysée. La gauche du PS n’a pu l’empêcher. Récit.

Michel Soudais  • 15 avril 2014
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Le conseil national du PS légalise le Cambadélis
© Le conseil national du PS se tenait ce mardi 15 avril à partir de 17h, à huis-clos. Mais tout au long des débats, ses membres n'ont cessé d'en rapporter l'ambiance et les propos sur Twitter. Ce sont ces gazouillis qui ont servi de base à cet article. Jusqu'à son titre inspiré par [un tweet de @diradefo](https://twitter.com/diradefo/status/456118435278503936).

Les cadres du Parti socialiste ont accepté la volonté de l’Élysée. Jean-Christophe Cambadelis a été élu Premier secrétaire, ce soir, par le conseil national du PS. Il a obtenu 147 voix (67,12 %); 72 voix (32,88 %) se sont portées sur un inconnu, Sylvain Mathieu et il y a eu 11 abstentions. Le conseil national compte 306 membres. Ce résultat très moyen a été obtenu à l’issue d’une réunion assez houleuse, qui s’est tenue à huis clos. Récit de cette séance d’entre-soi.

D’entrée, les journalistes ont eu droit à leur cortège de petites phrases . Henri Emmanuelli, qui s’était fait remarquer il y a quelques jours en déclarant que le PS était « devenu un parc à moutons » , assure ainsi aux nombreux médias qui le sollicitaient que « pendant deux ans le PS n’a pas existé » .

Au sous-sol, avant d’entrer dans la salle Victor-Hugo où les débats se tiennent à huis clos, les esprits s’échauffent déjà. Certains s’énervent de la lenteur des émargements. D’autres, comme le député Yann Galut, font de l’humour sur Twitter :

Dans la salle, les premiers tweets ironisent sur l’absence de suspens : Harlem Désir est au pied de la tribune où Jean-Christophe Cambadélis a déjà pris place. Mais la température monte déjà.

Rendre le pouvoir aux militants

Avant de passer à l’élection du Premier secrétaire , qui doit être mis aux voix avant un débat d’orientation générale, Maintenant la gauche, Un monde d’avance et le courant constitué autour de la motion portée par feu Stéphane Hessel ont déposé une motion d’ordre. « Plus que la défaite aux élections municipales, c’est son ampleur qui exige une prise de conscience et une réaction de notre parti .  Nous avons connu par le passé des moment d’alternance douloureux mais il s’agit aujourd’hui d’une défaite sans précédent, nos bases historiques et politiques que sont nos communes viennent de tomber » , attaque le texte défendu à la tribune par les députés Jérôme Guedj et Barbara Romagnan, et Patrick Ardoin.

Refusant de croire que ce résultat électoral serait imputable à « un manque de pédagogie » , les signataires estiment que « les Français, à travers leurs votes, ont exprimé un décalage profond entre la politique gouvernementale et ce pourquoi ils avaient voté en 2012 » . Ce qu’ils réclament « vu la gravité de la situation »  :
-* « Ne pas avaliser un changement de Premier secrétaire sans que les militants aient pu en décider, ce qui suppose qu’ils puissent voter entre des candidatures alternatives claires. »
-* « Engager une procédure permettant aux militants d’intervenir sur le fond de la ligne politique, sur le fonctionnement démocratique et pluraliste, comme sur le rôle du Parti socialiste et de ses adhérents. »
Pour eux, « donner la parole aux militants ne suffit pas » , il faut « leur rendre le pouvoir »  :
« Nous demandons donc la mise en place d’une direction collégiale chargée d’organiser des états généraux des socialistes avec la remontée de cahiers de doléances et propositions d’ici à la rentrée, puis à l’automne un congrès *. Aujourd’hui notre parti a moins besoin d’un chef que d’une dynamique collective, moins besoin de mesures bureaucratiques que de changements politiques. »*

Refus tout net des gardiens du temple. À la tribune, Christophe Borgel reconnaît l’existence de « nuances, voire de désaccords » entre les parties en présence, mais conclut sous les huées : « Vous voulez un congrès pour vous compter. » La motion d’ordre de la gauche du PS est rejetée par 131 voix contre 54, ce qui traduit un nombre important d’absents, le conseil national du PS comptant 306 membres.
Comme prévu, les frondeurs opposent au candidat officiel investi par le Château la candidature d’un secrétaire fédéral inconnu, en l’occurrence le responsable de la Nièvre, Sylvain Mathieu. Chacun aura 15 minutes pour présenter sa candidature.

Un « petit poucet » face au candidat officiel

Le premier, Jean-Christophe Cambadélis salue son prédécesseur et explique qu’il s’agit de « respecter [les] statuts [du PS] et d’élire une direction provisoire ». Il veut redonner la parole aux militants par « une véritable expression directe » et refuse de « l’encadrer dans le jeu des courants » . Pour cela, il veut « rencontrer les élus, les battus et les militants dans toutes les fédérations » et propose d’organiser « chaque année une conférence militante pour discuter de sujets de fond » . Mais point de congrès extraordinaire. Comme gage du respect du vote des militants, il annonce que Pervenche Bérès devient tête de liste en Ile-de-France en remplacement d’Harlem Désir ; elle était n°2 sur la liste. Du coup, Guillaume Balas passe de n°3 (une place incertaine) à n°2 avec la certitude d’être bientôt à Strasbourg.

La feuille de route que se donne Jean-Christophe Cambadelis tient en 3R : « Reformuler notre socialisme, rénover notre organisation, rassembler la gauche. » Pour la mener, il annonce la formation d’un secrétariat national de 30 membres attachés chacun à un territoire, et promet une direction collégiale. Il dit vouloir confier à Julien Dray l’animation d’un comité de coordination de la gauche. L’ancien porte-flingue de Dominique Strauss-Kahn conclut en paraphrasant De Gaulle : « Pourquoi voulez-vous qu’à 62 ans j’entame une carrière de béni-oui-oui ? » Avant d’appeler les présents à « refaire parti » [^2]

Sylvain Mathieu, le candidat alternatif, se présente  : « Je suis né et j’ai grandi dans le canton de Château-Chinon. » « Aaaahhh » , lui renvoie l’écho du conseil national. « Nous avons le devoir de porter la parole des militants » enchaîne celui se définit comme le porte-parole « petit poucet » des militants, en évoquant l’existence d’un « malaise sur le fonctionnement interne et la ligne politique » . « Les gens de gauche ne nous ont pas élu pour mener la politique que nous menons » , poursuit-il, avant de revenir sur l’importance de la démocratie interne : « La manière dont on exerce le pouvoir est conditionné par la manière dont on accède au pouvoir » , lance-t-il à son rival. « Nous n’avons aucune raison d’attendre pour changer les choses. Nous proposons des états généraux et un congrès pour redonner la parole à nos militants. L’hémorragie de nos militants a commencé, il y a urgence à agir. »

Sur le réseau social Twitter, cette candidature a suscité quelques commentaires acerbes :

Envoyer un inconnu contre Cambadelis, l’aile gauche est pleine de ressources quand il faut faire semblant de s’opposer #CNPS? Dim (@Lloyd__Hopkins) April 15, 2014

Mais les commentaires désabusés face à ce qui est perçu comme une mascarade étaient encore plus nombreux.

#CNPS heureux de savoir que tout va dans le meilleur des mondes au #PartiSocialiste et que militer se limite à accepter sans discuter …? Michael TORRES (@torresmichael33) April 15, 2014

[^2]: Jean-Christophe Cambadelis a publié son discours sur son blog sans attendre la fin du conseil national.

Politique
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