Transactions financières : un accord pour une taxe au rabais

Les ministres européens des Finances se sont mis d’accord le 6 mai pour mettre en place une taxe sur les transactions financières, largement édulcorée, au plus tard en 2016. Elle ne concernera que onze pays.

Thierry Brun  • 6 mai 2014 abonné·es

Illustration - Transactions financières : un accord pour une taxe au rabais - Le ministre de l'Economie et des  finances, Michel Sapin, à Bruxelles, le 6 mai (JOHN THYS / AFP).


L’accord des ministres européens des Finances pour une taxe sur les transactions financières (TTF), obtenu le 6 mai, est une aubaine à trois semaines des élections européennes. La TTF n’est cependant que l’ombre d’elle-même, si elle voit le jour : les quelques pays européens favorables à ce projet se sont donné jusqu’au 1er janvier 2016 pour la mettre en place.

La taxe sur les transactions financières (TTF) devait être « un pas décisif » franchi pour arriver à un « dispositif ambitieux » , promettait Michel Sapin, la veille du conseil européen des ministres des Finances. Or, « les ministres européens des Finances, dont Michel Sapin, dans le cadre de la coopération renforcée, ont fait aujourd’hui le choix d’une taxe sur les transactions financières en trompe-l’œil qui, si elle reste en l’état, ne répondra ni aux urgents besoins de régulation des marchés financiers, ni à ceux des populations les plus pauvres » , réagit l’ONG Oxfam France, qui ajoute que cet accord est « du pain bénit pour le secteur financier » .

Pour Thomas Coutrot, porte-parole d’Attac France, « c’est l’aboutissement d’une année de manœuvres de la France pour saboter le projet proposé par la Commission européenne en mars 2013. Au lieu de freiner fortement la spéculation et de rapporter 35 milliards d’euros, la TTF européenne n’aura quasiment aucun effet et rapportera dix fois moins. De tous les renoncements accumulés depuis son élection, celui-ci est le plus symptomatique de la dérive ultralibérale du président de la République. Car c’est le seul dossier économique sur lequel il n’a pas hésité à s’opposer très fermement à l’Allemagne et à la Commission, qui désiraient au contraire taxer l’ensemble des produits dérivés. »

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En fait, le projet de TTF a été raboté à la demande du lobby bancaire, avec l’aide d’un gouvernement français très laxiste. Le Medef et son homologue allemand, le BDI, sont aussi montés au créneau pour plomber la taxation des produits dérivés, qui représentent plus de 80 % des transactions financières.

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Histoire de ne pas sortir bredouilles d’un conseil européen avant les élections européennes, seuls onze pays (France, Allemagne, Belgique, Autriche, Slovénie, Portugal, Grèce, Slovaquie, Italie, Espagne et Estonie) ont pris l’engagement de lancer une TTF européenne dans une version édulcorée qui ne devrait rapporter à peine quelques milliards d’euros.

« En plus de ne pas viser l’ensemble des produits les plus spéculatifs, le projet présenté aujourd’hui ne fait aucune mention de l’affectation du produit de la taxe. François Hollande s’était pourtant engagé à plusieurs reprises à convaincre ses homologues européens d’en consacrer une grande partie aux enjeux de solidarité internationale, la lutte contre le changement climatique ou la lutte contre le sida » , souligne Oxfam France.

Le choix de quelques pays pour lancer la TTF remonte au conseil européen des ministres de l’Économie et des Finances de juin 2012 et au constat que la Grande-Bretagne s’oppose au projet. L’adoption par la Commission européenne d’une proposition de directive du Conseil, le 14 février 2013, met en œuvre une coopération renforcée entre ces pays.

En mars 2013, la Commission européenne publiait un projet de directive prometteur puisque le périmètre de la TTF concernait l’ensemble des produits dérivés qui représentent 700 000 milliards de dollars par an de transactions, selon la Banque des règlements internationaux. Les recettes annuelles étaient estimées entre 30 à 35 milliards d’euros, ce qui devait représenter 0,4 à 0,5 % du PIB des États membres participants.

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