Lois anti-terroristes : des mesures liberticides
Discuté à l’Assemblée nationale, le projet de loi antiterrorisme s’en prend aux droits fondamentaux.
En juillet, Bernard Cazeneuve présentait son projet de loi antiterrorisme au Conseil des ministres. Placé sous le sceau de l’urgence, le voilà discuté à partir de ce 15 septembre à l’Assemblée nationale. Mené tambour battant, sinon dans la précipitation, comme pour répondre à l’émotion suscitée par une actualité dramatique, le projet ajoute un arsenal de mesures pénales et administratives aux lois existantes, élargissant les contrôles sur les citoyens.
Il prévoit d’abord l’interdiction de sortie de territoire pour certains citoyens français, soupçonnés de vouloir partir à l’étranger dans le but de participer à une entreprise terroriste (mesure assortie d’une confiscation des pièces d’identités et d’une assignation à résidence). Et ce pour une durée de six mois, renouvelable.
Le projet entend également ajouter à « l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » , « l’entreprise individuelle à caractère terroriste » , afin de lutter contre l’auto-radicalisation. Encore faudra t-il déceler les réelles intentions de la personne, avant tout acte répréhensible.
Par ailleurs, la condamnation de l’apologie du terrorisme, déjà sanctionnée par la loi sur la presse (1881), serait élargie au code pénal et plusieurs mesures toucheraient directement Internet à travers la suppression d’un contenu ou le blocage d’un site.
«Une atteinte aux libertés exorbitante»
A peine énoncé, ce projet de loi n’a pas manqué de lever inquiétudes et indignations. C’était déjà le cas en juillet dernier, dans nos colonnes (voir Politis n°1312) pour Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’homme, qui soulignait un texte « déséquilibré et, de fait, liberticide » , déléguant « une partie des décisions à l’administratif » au détriment du judiciaire et s’aventurant « dans la voie de la prédictibilité » .
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Aujourd’hui, estime le Syndicat de la magistrature, ce projet « réduit à la portion congrue le débat démocratique par l’invocation de la menace terroriste » . Plus concrètement, observe Laurence Blisson, secrétaire nationale du syndicat, « l’atteinte aux libertés est exorbitante » , qui fait craindre « une application extensive et préventive » à partir de preuves basées sur « des dossiers classés secret défense ou des écoutes administratives » . Place à l’arbitraire et à la suspicion.
Le volet Internet du projet ne laisse pas non plus indifférent, même si les interventions seraient encadrées par la CNIL. Parce que cette procédure « confie à l’autorité administrative le pouvoir de déterminer ce qui relève du terrorisme et ce qui reste de la contestation de l’ordre social, politique ou économique » , juge pertinemment le syndicat. Sans compter qu’il sera toujours délicat techniquement de supprimer un contenu sur la toile. Le plus à craindre est que ce projet fasse consensus au Parlement.