Le prix Goncourt à Lydie Salvayre

Le Goncourt récompense « Pas pleurer », de Lydie Salvayre, roman d’une singulière force d’écriture, qualité dont est dénué « Charlotte », de David Foenkinos, qui remporte le prix Renaudot.

Christophe Kantcheff  • 5 novembre 2014
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Le prix Goncourt à Lydie Salvayre
© Photo: DOMINIQUE FAGET / AFP

Belle moisson pour les éditions du Seuil ! Après le prix Medicis attribué hier à Antoine Volodine pour Terminus radieux , le Goncourt va à Lydie Salvayre pour Pas pleurer . Un petit événement : le Seuil n’avait plus remporté le Saint Graal des prix littéraires depuis 1988 !
Si le milieu éditorial reconnaît désormais de façon franche, sinon cynique – étant donné la crise que le marché du livre traverse – que le Goncourt représente avant tout un bienfait financier presque vital pour une maison, il n’est pas interdit de se réjouir quand le livre couronné est de qualité. C’est le cas avec Pas pleurer !

Lydie Salvayre y déploie plus que jamais son goût pour la tragi-comédie, qu’elle développe depuis son premier roman, la Déclaration (1990), et qui a fait la force de sa critique du monde du travail, sujet de certains de ses livres (comme la Médaille , par exemple). Dans Pas pleurer , c’est un épisode à la fois enthousiasmant et violent de l’histoire espagnole qu’elle investit : l’insurrection libertaire de l’été 1936.

Lydie Salvayre le fait par l’intermédiaire de deux voix qu’elle entremêle. Celle de Bernanos, qui fut aux premières loges de la guerre civile et de la répression que les nationalistes, liés à l’Eglise, infligèrent au peuple – Bernanos s’en étant fait le témoin dans les Grands Cimetières sous la lune , dont on entend ici certains échos. Et celle d’une vieille femme, Montserrat Monclus Arjona, mère de la narratrice, « une mauvaise pauvre » c’est-à-dire « une pauvre qui ouvre sa gueule » , prise dans les événements de 1936.

L’écriture de l’auteure, grinçante, violente, qui met l’émotion à vif, excelle ici où s’ajoutent des pointes d’invention drolatiques qui mêlent l’espagnol et le français, correspondant à la manière dont parle la vieille femme. C’est sans aucun doute ce qui fait la plus grande réussite de ce roman : sa langue est à la hauteur de la force des événements terribles qui s’y jouent.

C’est exactement ce qui manque à Charlotte , de David Foenkinos, publié chez Gallimard, récompensé par le prix Renaudot. L’auteur y raconte l’histoire tragique de la jeune artiste juive Charlotte Salomon, morte à Auschwitz en 1943. Si la sincérité de sa fascination pour « Charlotte » ne peut être remise en cause, David Foenkinos ne parvient à donner de l’épaisseur à son texte composé comme un poème en vers libres, qui ressemble malheureusement plus à une longue chansonnette qu’à une élégie.

Littérature
Temps de lecture : 2 minutes
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