Laura Slimani : Graine de frondeuse

Présidente du MJS et fraîchement élue à la tête des Jeunes Socialistes européens, Laura Slimani, 25 ans, porte une conception du socialisme plus proche de Jaurès que de Manuel Valls.

Pauline Graulle  • 7 mai 2015 abonné·es
Laura Slimani : Graine de frondeuse
© Photo : Michel Soudais

Militera-t-elle encore au PS passé la trentaine ? C’est la question, plutôt curieuse, qui vient à l’esprit quand on rencontre Laura Slimani, présidente du Mouvement des jeunes socialistes (MJS). À l’entendre, force est de constater qu’elle ne partage rien, ou si peu, avec ses colocataires de la rue de Solférino, où elle et sa petite équipe occupent un bureau sombre, placardé d’affiches contre les contrôles au faciès et les OGM. Et quand on l’interroge sur ceux qui l’ont inspirée en politique, elle cite Cécile Duflot, Christiane Taubira ou Pablo Iglesias, le leader de Podemos… Bref, pas un socialiste à l’horizon !

Pour Laura Slimani, 25 ans, l’horizon, précisément, ne ressemble pas franchement à celui, prétendument moderne, qu’entendent dessiner bon nombre de ses aînés. La gauche du XXIe siècle, elle ne l’imagine pas sans réduction du temps de travail, sans transition énergétique, ou sans sérieux ralentissement de la société de consommation. Celle qui a commencé à militer dans les associations féministes considère aussi que la Ve République pose « un vrai problème démocratique » et « préfère les parcours militants aux parcours de cabinet ». À bon entendeur… Un an et demi après son élection à la tête du MJS, la jeune présidente, qui travaille « sept jours sur sept » pour un peu plus qu’un Smic, marche sur un fil. Sa mission : continuer à dialoguer avec le pouvoir pour pouvoir mener ses actions de « lobbying » (sic), tout en continuant à s’opposer à lui. Ou, pour le dire autrement, militer pour l’extension du RSA aux moins de 25 ans et les emplois d’avenir, tout en lançant des campagnes sur Twitter contre le Traité transatlantique ou en ne mâchant pas ses mots pour dénoncer l’affaire Leonarda.

Dans ce numéro de funambulisme, Laura Slimani est plutôt douée : contrairement à son prédécesseur au MJS, elle trouve encore porte ouverte chez Manuel Valls. Ce qui ne l’a pas empêchée de lui lancer quelques flèches à La Rochelle, l’été dernier. Sa voix n’a pas flanché quand, devant un parterre de ministres, elle a dénoncé le « malaise » des électeurs de Hollande face à « la politique menée [qui] ne correspond pas à ce pourquoi ils nous ont élus ».  Puis de défendre les frondeurs – qu’elle connaît bien : « Quand des socialistes disent […] qu’il n’y a qu’une seule politique possible et que ceux qui le contestent sont considérés comme des renégats, des “soi-disant socialistes”, […] on se perd. » Sur le moment un peu éberlué, le Premier ministre lui a quand même glissé : « Bravo, très beau discours », à sa sortie de scène. Elle a pris la remarque comme un encouragement, pas comme une manière de lui dire : « Cause toujours… »

Laura Slimani, future grande de la politique française ? Pas de doute pour l’un de ses camarades : « Elle a pour qualités de savoir donner un cap et de rassembler. » En attendant, cette fille de profs née à Rouen d’un mariage mixte (mère française, père algérien), qui assure, comme toute ambitieuse qui se respecte, n’avoir « pas de plan de carrière », trace sa route. Avec une certaine fulgurance. Après son adhésion au PS en 2010, elle prend rapidement la tête de la fronde contre la réforme des retraites Fillon sur son campus de Bordeaux. Devenue animatrice fédérale en Gironde, elle conduit trois campagnes (celle des primaires, de la présidentielle et des législatives) et bénéficie de l’appel d’air créé par le départ d’anciens « jeunes socialistes », dont certains ont pris la tangente, blasés par la politique gouvernementale.

A aussi pesé dans la balance l’appétence naturelle pour les sujets européens de cette titulaire d’un master Affaires européennes qui parle un anglais parfait, appris lors de ses deux années post-bac au pays de Galles. Comme une confirmation de plus qu’elle est l’une des jeunes personnalités politiques du moment, elle a été élue, le mois dernier, présidente des Jeunes Socialistes européens. Un petit événement pour cette organisation traditionnellement acquise aux sociaux-libéraux du nord de l’Europe. « La crise nous a unis, contre le traité transatlantique, le dumping social ou l’austérité », veut croire celle qui entretient de très bons rapports avec les « Jusos » allemands ou les jeunes socialistes des Balkans. « Dans cette période, analyse un militant du MJS, les organisations de jeunesse européennes se retrouvent quasiment toutes à devoir ferrailler contre le parti dont elles sont issues. » Un réconfort pour Laura Slimani. Et une preuve supplémentaire que les tensions actuelles entre le MJS et sa maison mère ne sauraient être réduites à une crise d’adolescence.

Politique
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