Roland-Garros : vous aussi, achetez une parcelle du bois de Boulogne !

Manuel Valls s’impose face à Ségolène Royal pour autoriser l’extension du stade de tennis sur les serres d’Auteuil, jardin botanique classé.

Patrick Piro  • 4 juin 2015
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Roland-Garros : vous aussi, achetez une parcelle du bois de Boulogne !
© AFP/François Guillot. Le 21 mars 2015, lors d'une manifestation, dans la grande serre de Formigé, pour la préservation du jardin botanique des Serres d'Auteuil.

Une Zad dans les serres d’Auteuil ? Verra-t-on des dépenaillés planter leurs cabanes en planches de palette aux confins du très guindé XVIe arrondissement de Paris ? Telle une fatwa, la menace a immédiatement été brandie par les associations de défense du jardin botanique — qui comprennent des riverains, dont le maire UMP Claude Goasguen —, devant le coup de force du Premier ministre.
Valls a voulu montrer qui était le patron sur le terrain : à la sortie d’un conseil interministériel, il a publié hier un communiqué annonçant que le gouvernement rendra dès cette semaine un avis favorable à la délivrance du fameux permis de construire qui permettrait l’extension du stade de Roland-Garros sur une partie des serres d’Auteuil. Un projet poussé depuis cinq ans par la Fédération française de tennis (FFT), où cette manifestation d’autorité, exprimée à dessein avant la fin du tournoi, a dû provoquer des soupirs d’aise au bord des courts de brique pilée.

Ségolène Royal était pourtant opposée au projet , préférant celui des associations qui proposent que l’extension se fasse en pratiquant la couverture de l’autoroute A13, qui borde le stade. Elle n’y est pas allée de main morte sur le plateau de RMC et BFMTV : « Le rôle du ministre de l’Écologie est de lutter contre les lobbys et les voracités financières. (…) On peut aménager le pays tout en préservant des espaces naturels. » Et sa signature est indispensable, car l’ensemble du site est classé au titre de ses serres du XIXe siècle signées Formigé.
Elle s’est cependant inclinée, au nom de la « discipline gouvernementale ». Diplomatie interministérielle un peu dérisoire : on attendra son déplacement aux États-Unis, afin qu’un subalterne du ministère paraphe à sa place le blanc-seing attendu par la FFT.

François Hollande reste le grand muet dans cette affaire. Il avait émis un « plus jamais ça » à la suite du drame du barrage de Sivens, promettant la « démocratie participative » sur les grands projets d’aménagement, ouvert même à l’organisation de référendums pour juges de paix. Devant le sacrifice d’un site remarquable aux intérêts d’une fédération sportive aux finances florissantes et sourde aux arguments des opposants, il semble bien avoir tranché en faveur d’une réalisation qui servirait son projet de décrocher l’attribution à Paris des Jeux olympiques de 2024.

Premiers coups de pioche en septembre , espère-t-on à Roland-Garros. On ne parierait pourtant pas qu’on entendra un jour frapper dans la balle jaune au pied de la grande serre de Formigé (qui ne serait pas détruite). Plusieurs recours judiciaires sont en préparation, portés notamment par les héritiers de Formigé, qui allègueront l’atteinte au patrimoine architectural, ainsi que par les défenseurs de l’environnement, pour destruction de site classé.
Une manifestation est prévue dimanche 7 juin à 14 heures devant le stade, juste avant la finale du « simple hommes ». Très remontées, associations et collectifs, qui ont récolté près de 65 000 signatures de soutien, préparent en protestation une « Grande braderie des serres d’Auteuil et du bois de Boulogne » : la vente aux passants de parcelles des lieux, avec délivrance de faux titres de propriété. En attendant plus musclé ?

Écologie
Temps de lecture : 3 minutes
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