À Saint-Ouen, des mal-logés s’emparent de la « tour fantôme »
Plus de 150 personnes ont pris possession des étages supérieurs d’un foyer de jeunes travailleurs, voué à la démolition, à Saint-Ouen. L’association Droit au logement demande la réquisition du bâtiment.
Rue Adrien Meslier, à deux pas de la mairie de Saint-Ouen, le foyer de jeunes travailleurs Cara se dresse contre le ciel gris. Aux fenêtres du 10e étage de l’immeuble, une banderole jaune « Réquisition ! » flotte au vent. À l’entrée, derrière la porte grise blindée, les vigiles veillent.
Depuis mardi 15 septembre, 150 personnes ont investi les lieux, à l’initiative de l’association Droit au logement (DAL). Des mal-logés, des locataires expulsés de leur appartement, des Roms et des migrants sont venus s’ajouter à la trentaine de résidents encore présents dans les quatre premiers étages d’un bâtiment laissé à l’abandon par les institutions de la ville.
« Nous commençons à nous installer, affirme le porte-parole du DAL Jean-Baptiste Eyraud, au milieu de l’espace « foyer » du cinquième étage. Les choses sont en train de s’organiser, nous arrivons à un consensus minimum avec le propriétaire des lieux (Saint-Ouen Habitat Public, ndlr). »
Pour l’heure, les nouveaux arrivants s’attellent à nettoyer, ranger les dix étages supérieurs de l’immeuble. Des 196 chambres, plus de 160 sont inoccupées. Depuis plusieurs mois. « C’est un no man’s land ici », glisse Adamo, 26 ans, résident du foyer depuis trois ans. « On l’appelle Carajevo, cet endroit » , renchérit Leslie, sa voisine de palier.
De nombreuses expulsions en Seine-Saint-Denis cet été
Du rez-de-chaussée au dernier étage, la cage d’escalier est plongée dans le noir. Les ascenseurs ne fonctionnent plus depuis longtemps. Dans les chambres inhabitées, les affaires des anciens locataires, partis à la va-vite, jonchent le sol.
À l’origine de ces départs, la décision de l’ancienne municipalité, en 2013, de signer une promesse de vente avec une société privée en vue de la construction d’un hôtel, une fois le départ de tous les résidents acté.
«Comme si un séisme était passé»
Pour compenser, un nouveau centre d’hébergement devait voir le jour dans le quartier des Docks, non loin de là. « Pas assez grand pour accueillir tout le monde » , contestent les derniers résidents.
Au cours de l’été, les expulsions se sont multipliées en Seine-Saint-Denis, obligeant le DAL à agir, assure son porte-parole. « La décision n’a pas été prise comme ça, en claquant des doigts. »
La présence d’agents de sécurité renforcée
Parmi les occupants, on retrouve les réfugiés syriens de la Porte de Saint-Ouen ainsi que des familles Roms, expulsées de leur village d’insertion fin juillet et qui campaient depuis sous les fenêtres du maire de Saint-Ouen, William Delannoy (UDI).
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Hébergées sous une tente du DAL Place de la République depuis plusieurs semaines, des personnes expulsées ou en voie de l’être font également partie des nouveaux arrivants. « Ce qui me scandalise, c’est que l’on veuille toujours hiérarchiser la misère , s’indigne Dina, du milieu associatif audonien, pin’s militant sur la poitrine. Tout le monde a le droit d’avoir un toit au-dessus de sa tête, peu importe d’où on vienne. »
Devant la seule et unique entrée du bâtiment, la présence d’agents de sécurité a été renforcée, depuis mardi. Derrière chaque militant, chaque résident, la porte est verrouillée à double tour. « Si jamais il y a un incendie, je ne vous explique pas » , souffle Leslie, qui dénonce l’abandon des lieux depuis plusieurs mois.
Qu’importe, les nouveaux occupants du foyer des jeunes travailleurs Cara ne sont pas près de partir. « Le bâtiment retrouve sa vocation d’origine, à savoir le logement social » , sourit Jean-Baptiste Eyraud.
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