L’état d’urgence ne fait pas bon ménage avec des élections
L’état d’urgence décrété dans la nuit de vendredi à samedi ne peut durer plus de douze jours. Le chef de l’État et le gouvernement entendent toutefois prolonger cette mesure d’exception pour trois mois. François Hollande l’a fait savoir aux responsables parlementaires reçus à l’Elysée dimanche après-midi. Il devrait le confirmer lundi après-midi devant les députés et sénateurs réunis en congrès à Versailles.
La prorogation de l’état d’urgence au-delà de 12 jours ne peut en effet être autorisée que par une loi, votée par le Parlement, qui en fixe sa durée définitive. La date à laquelle les députés en débattront est déjà fixée. Ce sera le mercredi 25 novembre. A croire Gérard Larcher, président (Les Républicains) du Sénat, les parlementaires pourraient également être saisi d »une modification de la loi no 55-385 du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence, le président de la République souhaitant en revoir le « périmètre » et la « durée » . Un projet de modification est annoncé comme devant être discuté lors du prochain conseil des ministres. Ensuite, les deux commissions des Lois de l’Assemblée et du Sénat travailleront ensemble aux « adaptations » de cette loi.
Reste une question : l’état d’urgence permettra-t-il aux élections régionales de se dérouler normalement ? Samedi soir, sur TF1, au milieu d’un flot de déclarations martiales, Manuel Valls a confirmé qu’elles se tiendront « bien sûr » aux dates prévues, les 6 et 13 décembre. « Les élections régionales se tiendront, au fond c’est l’une des plus belles réponses que nous pouvons donner à ceux qui s’attaquent à nos valeurs, à la démocratie. »
Dès l’annonce de l’effroyable bilan des attentats, les partis politiques ont annoncé les uns après les autres qu’ils suspendaient leur campagne électorale. Une suspension toute relative eu égard aux déclarations que les responsables politiques les plus connus, notamment Laurent Wauquiez ou Marine Le Pen, ont pu faire depuis.
Comment, une fois passée cette vraie-fausse suspension, reprendre le cours normal d’une campagne électorale alors que des mesures d’exception en vigueur sont susceptibles à tout moment d’en entraver le cours ?
Sur tout le territoire métropolitain, l’état d’urgence , tel qu’il a été décrété, permet aux préfets « d’interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté » (art 5-1 de la loi du 3 avril 1955).
En Ile-de-France, le ministre de l’Intérieur et les préfets « peuvent ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature » et interdire, « à titre général ou particulier, les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre » (art. 8).
Une campagne électorale , ce sont des distributions de tracts sur les marchés, des réunions publiques dans des salles publics, des rassemblements sur la voie publique… Qu’adviendrait-il si les marchés, comme ça a été le cas ce week-end dans la capitale et quelques communes de la petite couronne, étaient fermés ? Et si les mairies continuaient, avec de bonnes raisons, à ne pas ouvrir leurs bâtiments publics ? Si les manifestations et rassemblements publics continuaient à être interdites ? Or c’est de cela qu’il est question derrière la prorogation de l’état d’urgence.
Quelles que soient les réponses qui seront apportées à ces questions, il est difficile d’imaginer que la campagne électorale se déroule dans un climat qui permette d’informer correctement les électeurs sur les enjeux de l’élection, qui n’ont pas grand chose à voir avec les question sécuritaires sur lesquelles les débats politiques et l’attention médiatique vont se focaliser ces prochains jours.