Contre la répression syndicale, la lutte s’organise

Plusieurs milliers de manifestants se sont réunis ce jeudi 4 février dans toute la France pour réclamer la relaxe des anciens salariés de Goodyear, sous le joug d’une condamnation inédite.

Chloé Dubois (collectif Focus)  • 4 février 2016
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Contre la répression syndicale, la lutte s’organise
© Photos : CHLOE DUBOIS/ POLITIS - Mickael Wamen, le 4 février 2016 lors de la manifestation de soutien organisée par la CGT Manifestation à Paris, Place de la Nation Danielle Simonnet (Front de gauche), lors de la manifestation à Paris _"Seuls coupables les financiers. À quand la justice?"_ - Pancarte laissée Place de la Nation à Paris pendant le rassemblement

À Paris, place de la Nation, des milliers de militants ont répondu à l’appel de la CGT. Réunis pour exiger la relaxe immédiate des huit anciens salariés de Goodyear, syndicats, élus et citoyens ont exprimé leur solidarité face à une décision de justice disproportionnée et sans précédent. Condamnés à deux de prison dont neuf mois ferme pour avoir retenu deux cadres de leur entreprise menacée de fermeture, les huit employés montés sur un camion-scène ont dénoncé une condamnation politique insoutenable dont ils font appel. Si les anciens de l’usine d’Amiens gardent espoir et continuent le combat, ils n’oublient pas les années de lutte et la violence sociale à laquelle ils ont dû faire face, seuls. Ce jeudi, Mickael Wamen rappelle que douze ex-ouvriers sont morts depuis la fermeture de l’entreprise, évoquant les suicides, l’alcoolisme et la détresse à laquelle les salariés ont aussi été condamnés.

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À leurs côtés, les membres de la CGT, dont Philippe Martinez, secrétaire générale confédération, et des salariés ont exprimé leur colère face à la multiplication des répressions syndicales. Tous ont exigé que cesse les représailles à l’encontre des salariés et des syndicalistes, faisant notamment allusion à la condamnation des anciens de Goodyear, mais aussi aux poursuites contre les salariés d’Air France , accusés d’avoir participé à l’épisode «de la chemise arrachée».

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Discrètes mais bien présentes, différentes personnalités politiques de gauche ont également tenu à manifester leur solidarité, encourageant les syndicalistes à poursuivre leur combat. Pour Danielle Simonnet, conseillère de Paris (Parti de gauche), «être là, c’est essentiel». Face à une criminalisation des actions syndicales, la coordinatrice politique du PG a par ailleurs fait part de ses craintes pour la démocratie:

Un pays qui met en prison ses salariés ne peut pas être démocratique. Nous sommes dans un système oligarchique qui s’émeut pour deux chemises arrachées, mais ne fait preuve d’aucune compassion à l’égard d’employés dont le seul crime est d’avoir défendu leurs emplois, face à des patrons voyous et avides.

Selon elle, «le premier renoncement de François Hollande a été de ne pas instaurer l’immunité des actions syndicales». Une revendication partagée par les manifestants qui réclament eux-aussi davantage de protection.

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De même, Laurence Cohen, sénatrice communiste (PCF) du Val-de-Marne ne comprend pas «les cadeaux que l’État continue de faire au patronat». Pour cette élue, «l’urgence est d’abord sociale. Je pense que la politique peut prendre le dessus sur l’économie» mais qu’il s’agit d’une «volonté politique» à mettre en place.

«Réprimés, méprisés, STOP»

Délégués syndicaux, inspecteurs du travail ou salariés en lutte se sont succédés sur la petite scène installée place de la Nation. Sous un même slogan – «réprimés, méprisés, stop» – ils ont dénoncé les violences sociales dont ils ont été victimes ou témoins, mais ont aussi fait part de la nécessité d’un tel combat. Des prises de paroles symboliques ont également eu lieu, dont celle de Mickael Wamen, l’un des salariés condamnés pour avoir «séquestré» deux anciens cadres de Goodyear. Un discours largement applaudis par les manifestants. Pour Juliette, retraitée et militante à Force Ouvrière, «ce sont des paroles qui donnent espoir et permet de croire à un véritable rassemblement ouvrier et citoyen».

Au nom de ces sept autres «camarades», le leader de la CGT à Goodyear a dénoncé les mesures prises à leur encontre et appelle à encore plus de mobilisation et de solidarité:

Aujourd’hui, cette action est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante, a t-il avertit. Il faut que nous montrions au gouvernement que nous n’acceptons pas ce qui est en train de se passer.

Partisan d’une mobilisation sociale unie, Mickael Wamen a proposé de réunir dans la rue les différents secteurs en lutte : enseignants, chauffeurs de taxis, agriculteurs, ouvriers… «La réalité, c’est que nous sommes tous condamnés. Il n’y a pas que ceux de Goodyear; nous sommes tous condamnés à agir.»

Selon Philippe Martinez, ce rassemblement aurait réuni près dix milles personnes à Paris (2.800 selon la préfecture), et se serait tenu dans quatre-vingt villes de France.

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