« Shadow Days », de Zhao Dayong : Les fantômes du passé

Shadow Days, de Zhao Dayong, montre l’atmosphère délétère qui règne dans une province chinoise reculée.

Christophe Kantcheff  • 30 mars 2016 abonné·es
« Shadow Days », de Zhao Dayong : Les fantômes du passé
© **Shadow Days**, Zhao Dayong, 1 h 39. Photo : DR

Les nouvelles que le cinéma nous donne de l’état de la Chine ne sont pas reluisantes. Mais, dans le même temps, le cinéma chinois, en particulier celui qui ne se soumet pas au visa de censure – ce qui l’écarte des salles dans tout le pays –, s’avère en grande forme. Après le fantastique premier long métrage de Bi Gan, Kaili Blues, sorti la semaine dernière, voici Shadow Days, le second film de fiction de Zhao Dayong, plus classique dans sa forme mais pas moins singulier dans sa capacité à suggérer une atmosphère.

Liang Renwei (Liang Ming) est de retour dans son village natal, Zhiziluo, après vingt ans d’absence, en compagnie de sa fiancée, Shiliu (Li Ziqian), enceinte. -Zhiziluo se trouve dans la province de Yunnan, déjà vue à l’écran en particulier chez Wang Bing et ses Trois Sœurs du Yunnan. On sait donc quels adjectifs lui correspondent : montagneuse, magnifique, déshéritée.

L’intrigue laisse deviner que Liang Renwei se réfugie dans cette région reculée pour échapper aux conséquences d’un méfait qu’il aurait commis, et qui risque de le rattraper. Mais, pour l’heure, c’est à ses retrouvailles avec Zhiziluo auxquelles on assiste. Les parents de Liang Renwei ont disparu mais pas son oncle (Liu Yu), le maire du village.

On découvre peu à peu que celui-ci se comporte comme un chef de gang sans envergure, ayant à son service quelques bras cassés. Lui-même est à la fois sous les ordres d’instances supérieures qui l’obligent à faire respecter les objectifs du Planning familial, fixant la natalité à un enfant par femme. Et sous l’emprise d’une sorte de malédiction, comme si les fantômes néfastes de la Révolution culturelle hantaient le lieu. D’où certaines scènes qui oscillent entre le burlesque et l’étrange, en particulier celle où la statue géante de Mao, dont on ne sait que faire, circule dans les rues, rappelant alors étrangement le cinéma d’Otar Iosseliani.

Émerge de ce marasme la figure lumineuse de Shiliu, une jeune femme vivante, rationnelle et attentive aux autres. Elle s’est liée à la petite-fille du maire, qui la délaisse, à laquelle elle apporte les seules marques d’affection que celle-ci reçoit.

Liang Renwei, par égoïsme et par faiblesse, se détourne peu à peu de Shiliu. Retrouver son village d’enfance ne lui a été d’aucun effet, sinon corrosif. Désœuvré, il s’est laissé embaucher par son oncle dans la brigade du Planning familial, qui va chercher jusque chez elles et sans ménagement les femmes enceintes d’un deuxième enfant pour les faire avorter et les -stériliser.

Shadow Days développe un implacable climat de violence, d’abord feutrée puis frontale. Tous les liens se délitent. Avec la mort pour seul horizon.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes