Le faux rebond de François Hollande

Pour une émission qui devait permettre au Président de « rebondir », le coup est pour le moins raté.

Denis Sieffert  • 14 avril 2016
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Le faux rebond de François Hollande
© STEPHANE DE SAKUTIN / POOL / AFP

François Hollande a vécu une bien mauvaise soirée, jeudi sur France 2. Pour une émission qui devait lui permettre de « rebondir », le coup est pour le moins raté. Il en avait d’ailleurs ôté tout intérêt en annonçant d’emblée qu’il poursuivrait sa politique « jusqu’au bout ». Les médias en retiendront au moins une « annonce » : il décidera bien de sa candidature à la fin de l’année, et en fonction de la courbe du chômage… Tout avait très mal commencé face à une jeune et pugnace, et libérale, dirigeante de PME. Le Président répond à des questions qui ne lui sont pas posées, au désespoir de son interlocutrice. Puis il semble se perdre dans les incohérences de la politique gouvernementale : « Moderniser l’économie tout en préservant notre modèle social. » Au passage, il contredit Manuel Valls à propos de la sur-taxation des CDD. Une mesure dont il s’est employé à démontrer qu’elle n’aurait aucun effet.

Il s’est montré un peu plus à l’aise dans la séquence consacrée au jihadisme. Pour autant que le débat a été circonscrit à la condamnation des « prêcheurs de haine », sans jamais aborder les racines sociales. « Ne laissons pas penser que ce serait la pauvreté qui serait la cause du jihadisme », a-t-il prévenu. Mais il a de nouveau sombré quand Léa Salamé l’a interrogé sur la déchéance de nationalité. C’était, s’est-il justifié, par un souci d’unité. On mesure l’ampleur de l’échec après un débat interminable qui a déchiré le pays et plus encore la gauche.

Interpellé par un électeur FN sur des fermetures d’entreprises en cascade dans le Nord-Pas-de-Calais, François Hollande a semblé bien connaître ces situations locales. Le téléspectateur n’aura pas pu s’empêcher de penser aux polémiques qui ont précédé l’émission, et aux informations qui auraient été communiquées à l’Elysée. Il s’est retrouvé en très grande difficulté en revanche quand les journalistes l’ont interrogé sur le récent propos de Manuel Valls au sujet du voile à l’université. « Le voile est-il un asservissement de la femme ? », lui a-t-on demandé ? Réponse : « Ça dépend comment il est porté. » Et le malaise a été plus visible encore lorsque Léa Salamé a rappelé les critiques adressées par Manuel Valls à Angela Merkel sur l’accueil des réfugiés. Pour s’en sortir, François Hollande a proféré une énormité : « Notre politique et celle d’Angela Merkel sont identiques. » Rire de la journaliste.

Le dernier interlocuteur, un étudiant des quartiers nord de Marseille, électeur de gauche, participant aux Nuit debout, a eu un mot qui aurait pu être le mot de la fin : « Trahison. » Au total, la soirée ressemble fort à un fiasco. Pouvait-il en être autrement ? Le verbe le plus magique n’aurait pas pu transformer une réalité qui tient en un chiffre : sept cent mille chômeurs de plus en quatre ans. Et c’est peu dire que le verbe n’a pas été magique.

Une analyse au cordeau, et toujours pédagogique, des grandes questions internationales et politiques qui font l’actualité.

Temps de lecture : 3 minutes
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