Licenciements économiques, représentativité patronale… Ce qui change dans la loi travail

Les critères du licenciement économique dans les petites entreprises ont été assouplis par la commission des affaires sociales. Le point sur le texte.

Erwan Manac'h  • 7 avril 2016
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Licenciements économiques, représentativité patronale… Ce qui change dans la loi travail

De nouveaux critères de licenciement économique pour les petites entreprises, le repos quotidien sécurisé, la représentativité patronale rayée d’un trait de plume… L’examen de la loi travail par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a donné lieux à d’importantes discussions et à quelques évolutions notables.

Les licenciements facilités pour les TPE

La loi assouplit déjà les critères du licenciement économique : une entreprise sera autorisée à y recourir si elle connaît une « dégradation importante de trésorerie », ou six mois de baisse d’activité. Nouveauté : un amendement socialiste a introduit une différence en fonction de la taille de l’entreprise, ce qui renforce encore le laxisme du projet de loi pour les petites entreprises.

• 1 trimestre de baisse de chiffre d’affaire suffira pour une entreprise de moins de 11 salariés.

• 2 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés.

• 3 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés.

• 4 trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.

Il n’est pas certain que le Conseil constitutionnel valide cette mesure, qui pourrait constituer une « rupture d’égalité » devant la loi.

Sur la question du périmètre servant à juger de la validité d’un licenciement économique, point particulièrement sensible sur lequel le rapporteur socialiste s’est dit lui-même prêt à évoluer, le texte n’a pas été modifié. Il prévoit actuellement que la situation de l’entreprise soit appréciée « au niveau de l’entreprise si cette dernière n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité ». Une multinationale pourra licencier dans une de ses filiales, sans que sa santé économique soit appréciée dans l’évaluation du licenciement économique. Le rapporteur Christophe Sirugue a dit être _« en négociation » avec le gouvernement sur ce point.

L’article sur la représentativité patronale supprimé

Très technique au premier abord, cet article discret de la loi travail scellait la domination du Medef dans le paysage social pour les années à avenir.

Les socialistes ont entrepris en 2014 de fixer la représentativité patronale, jamais établie jusqu’à aujourd’hui. Il souhaitait prendre en compte le nombre d’entreprises adhérentes aux syndicats de patrons, sur le principe « une entreprise égale une voix ». Un mode de calcul plutôt défavorable au Medef, qui regroupe surtout des grandes entreprises, peu nombreuses.

Son intense lobbying a eu raison de ce principe de comptage. La première version de la loi travail adopté en conseil des ministres reprenait en effet un accord signé ente le Medef et la CGPME : l’audience serait calculée à 80 % en fonction du nombre de salariés des entreprises adhérentes aux syndicats. Un mode de calcul bien plus favorable au Medef, mieux représenté parmi les grandes entreprises. Les 20 % restant tiendraient compte du nombre d’entreprises adhérentes.


Cet article a été supprimé suite à l’adoption d’un amendement de l’UDI, malgré l’opposition du rapporteur socialiste. Ce dernier a promis que ce point serait de nouveau débattu dans l’hémicycle.

Plus de dérogations possibles au repos de 11 heures

Un amendement de l’écologiste Jean-Louis Roumégas a supprimé la possibilité de négocier la durée de repos quotidien en dessous des 11 heures définies par la loi.

Le congé suite au décès d’un enfant allongé à 5 jours

Il était de deux jours dans la première version du projet de loi travail.

Refuser un accord d’entreprise vaudra un licenciement économique

La raison d’être du projet de loi travail est de permettre aux entreprises de déroger à la loi en faisant adopter un accord d’entreprise, sans avoir à justifier de « graves difficultés économiques » comme c’est le cas aujourd’hui avec les accords de maintien dans l’emploi.

Ce principe est maintenu, malgré d’importantes critiques jusque dans les rangs de la majorité socialiste. Mais lorsqu’un salarié refuse de signer un accord d’entreprise à titre individuel, la première version du texte prévoyait son licenciement pour motif personnel, sans compensation. Le Medef s’est battu pour imposer cette mesure, car il estime que cela facilitera l’adoption des accords d’entreprise. Mais les députés, et le rapporteur socialiste Christophe Sirugue ont modifié ce point en imposant un licenciement pour motif économique. Avec compensation donc, mais sans plan de reclassement.

Des mesures pour calmer les jeunes

Manuel Valls doit annoncer à la mi-avril des mesures pour tenter de calmer les jeunes. Les ministres de l’Éducation et de la Jeunesse ont reçu les organisations de jeunesse mercredi. Selon le journal Les Échos, le gouvernement envisage de prolonger pendant quelques mois après la fin des études le versement de la bourse universitaire, afin d’accompagner l’insertion professionnelle des jeunes les plus modestes. Entre 2 et 6 mois de bourses supplémentaires pourraient être annoncés, pour répondre à une demande de l’Unef.

L’examen du texte à l’Assemblée doit commencer le 3 mai. Il fait l’objet d’une procédure d’urgence qui le limite à une lecture par chambre parlementaire.

Politique Travail
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