Première pétition française contre le coup d’État au Brésil

Des personnalités de la solidarité internationale veulent mobiliser en France pour soutenir les mouvements sociaux brésiliens qui luttent pour défendre la démocratie, bafouée par le processus de destitution de la présidente élue.

Patrick Piro  • 10 juin 2016
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Première pétition française contre le coup d’État au Brésil
© Manifestation de soutien franco-brésilienne Place de la République (Paris) le 14 avril 2016.Photo : Patrick Piro.

Fin avril, la jeune députée portugaise Joana Mortágua assenait à ses collègues sept minutes d’un très saignant discours pour dénoncer le « coup d’État contre un gouvernement démocratiquement élu » après le vote du congrès brésilien qui engageait le processus de destitution de la présidente Dilma Roussef. Ingérence dans les affaires de l’ancienne colonie ? « Le rôle des démocrates est de défendre la démocratie où qu’elle soit ! », justifiait-elle. En France, rien de tel, c’est très « mezzo voce » que les politiques ont commenté l’éloignement du pouvoir de la présidente brésilienne Dilma Roussef. Les conditions scandaleuses et attentatoires à la démocratie du processus de destitution engagé ont poussé les milieux de la solidarité internationale à lancer une pétition de dénonciation et de solidarité, la première du genre en France.

Lire >> À Paris, l’Orchestre debout joue contre le coup d’État au Brésil.


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Contre le coup d’État constitutionnel, nous affirmons notre soutien et notre solidarité avec la démocratie et les mouvements sociaux brésiliens

Les mouvements sociaux brésiliens sont aujourd’hui directement attaqués. Ils sont visés par une offensive politique de grande ampleur qui entraîne le Brésil dans une période de grande régression démocratique. Depuis début mai, Dilma Rousseff, présidente élue avec 54 millions de voix a été mise à l’écart du pouvoir par les deux chambres. Des parlementaires – députés et sénateurs – massivement compromis dans des affaires de corruption ont institué une procédure de destitution contre la présidente, l’accusant d’irrégularités comptables pour minorer les déficits dans les comptes publics. Cette pratique routinière de tous les gouvernements brésiliens ne constitue aucun des crimes de responsabilité prévus par la constitution brésilienne.
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C’est pourquoi les mouvements sociaux, les syndicats et toutes les forces progressistes du pays caractérisent la destitution de Dilma Rousseff de coup d’État institutionnel.

L’opération « Lava Jato », le scandale de corruption lié à la Petrobras – la compagnie nationale de pétrole – impliquant la classe politique brésilienne et les entreprises de BTP dans le financement des campagnes politiques, a scandalisé le peuple brésilien à juste titre. Tous les partis ont été concernés et les députés de droite qui ont mené la campagne contre la Présidente sont parmi les plus empêtrés dans le scandale de la Petrobras. En s’appuyant sur les mobilisations populaires, la droite a estimé que le moment était venu de déclencher une grande offensive pour éliminer le Parti des Travailleurs dont ils n’ont jamais accepté les victoires électorales. La procédure de destitution contre Dilma Rousseff a compté sur l’appui des puissantes Églises évangéliques, dont l’influence est importante sur le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB) et plusieurs autres petits partis de droite qui ont la majorité dans les deux chambres (Parlement et Sénat).

La pratique du coup d’État légal semble être la nouvelle stratégie des oligarchies latino-américaines. Après le Honduras et le Paraguay, c’est le tour du Brésil. Ces nouvelles formes de coup d’État sans l’utilisation des armes s’appuient sur une classe politique très conservatrice et néolibérale. Malgré les avancées sociales obtenues dans les années 2000 en Amérique latine, la droite et la droite-extrême restent de puissantes forces politiques capables de mobiliser avec le soutien des médias dominants qui sont complètement contrôlés par des conglomérats industriels et les grandes familles. Certains vont jusqu’à demander l’abolition de la « bolsa familia » (bourse familiale) et des mesures mises en place par le PT pour réduire les inégalités.

L’actuel président par intérim, Michel Temer (leader du PMDB) a déjà constitué son gouvernement, uniquement composé d’hommes blancs, riches et assez âgés. Lors des premiers jours, le gouvernement Temer a supprimé le ministère de la Culture, de l’Égalité raciale, des Droits des femmes et annoncé une réduction importante dans les dépenses du SUS (équivalent de la sécurité sociale en France).

La droite brésilienne est engagée dans une radicalisation extrême. Elle parle de la nécessité d’« éradiquer » le PT et surtout les mouvements sociaux qui l’ont appuyé, notamment les syndicats de salariés et le Mouvement des travailleurs sans terre (MST). Alors même que de très nombreux mouvements critiquent la politique économique, sociale et écologique menée par le PT au gouvernement, les mouvements sociaux s’opposent à ce qui est de facto un coup d’État constitutionnel.

D’autant que le retour éventuel de la droite au pouvoir pourrait signifier une grande offensive contre les acquis sociaux, et même probablement la criminalisation de la dissidence et de l’action sociale, ce qui était la norme avant l’élection de Lula en 2002.

En soutien à la démocratie brésilienne, nous affirmons avec les mouvements sociaux brésiliens.

« NÃO AO GOLPE, FORA TEMER ! » (non au coup d’Etat, dehors Temer !)

Signer la pétition.

Christophe Aguiton, Attac France

Claire Angelini, artiste et cinéaste

Christian Azaïs, LISE – CNRS / CNAM

Geneviève Azam, économiste, membre du conseil scientifique d’Attac

Luc Boltanski, sociologue, directeur d’études à EHESS

Pierre Beaudet, Université d’Ottawa

Susana Bleil, sociologue, maître de conférence à l’université du Havre

Stella Bierrenbach, artiste

Erika Campelo, Autres Brésils

Juliana Carneiro da Cunha, comédienne Théâtre du Soleil

Mathias Cassel aka Rockin’ Squat, chanteur

Bernard Cassen, président d’honneur d’Attac, secrétaire général de Mémoire des luttes

Henryane de Chaponay, CEDAL

Jean-François Claverie, Observatoire des Changements en Amérique Latine

Thomas Coutrot, économiste, membre du conseil scientifique d’Attac

Mazé Torquato Chotil, chercheuse et écrivaine

Dr Fabien Cohen, chirurgien dentiste de santé publique, secrétaire général de France Amérique Latine

Bernard Dreano, Assemblée européenne des citoyens

Jean-Pierre Duret, réalisateur

Marilza de Melo Foucher- docteur en Économie, journaliste et blogueuse

Afrânio Raul Garcia Jr., antropologue, CESSP/EHESS

Susan George, présidente du Transnational Institute

François Gèze, éditions La Découverte

Franck Gaudichaud, Président de France Amérique Latine, universitaire

Jean-Marie Harribey, économiste, Université de Bordeaux.

Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS-Paris)

Kamal Lahbib, Forum des alternatives Maroc

Jean-Louis Laville, sociologue

Frédéric Lebaron, sociologue, professeur à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Gustave Massiah, Cedetim/Ipam, membre du Conseil international du Forum social mondial

Gilles Maréchal, Pacé, économiste, consultant

Gérard Mauger, directeur de recherche émérite CNRS

Patrice Pinell, directeur de recherche, CESSP

Louis Pinto, sociologue

Ignacio Ramonet, journaliste Le Monde Diplomatique

Messaoud Romdhani, Forum Tunisien pour les Droits Économiques et Sociaux (FTDES)

Pierre Salama, économiste, professeur émérite université Paris XIII

Andrea Santana, réalisatrice

Alexis Saludjian, professeur IE- UFRJ

Glauber Aquiles Sezerino, sociologue, Autres Brésils

Christophe Ventura, enseignant à l’Institut d’études européennes de Paris 8, Mémoire des luttes

Patrick Viveret, philosophe, citoyen impliqué

Freddy Vitorino, producteur

Eric Toussaint, CADTM

Célina Whitaker, Collectif Richesses

Monde
Temps de lecture : 6 minutes
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