Trafic d’espèces sauvages : la dernière réunion mondiale n’a rien changé

Réunie en Afrique du sud, la Convention spécialisée n’a sauvé que le perroquet gris et le pangolin. Les trafiquants vont pouvoir continuer à gagner des milliards en vendant la biodiversité aux collectionneurs.

Claude-Marie Vadrot  • 5 octobre 2016 abonné·es
Trafic d’espèces sauvages : la dernière réunion mondiale n’a rien changé
© Photo: La commercialisation du perroquet gris du Gabon est désormais totalement interdite (Jürg Carstensen / DPA)

Il y a quelques jours, les douaniers de l’aéroport de Roissy ont découvert plusieurs colis contenant des cactus en provenance du Mexique. Les 360 végétaux à croissance très lente saisis par la douane figuraient tous sur la liste des espèces protégées et interdites de commercialisation. Certains, ont expliqué les spécialistes du Muséum national d’histoire naturelle, avaient plus de 200 ans. Tous sont en voie de disparition dans les zones désertiques mexicaines, en raison des trafics générés par les revendeurs et les collectionneurs. Les experts du Muséum (auxquels cette cargaison a été confiée) ont expliqué que la valeur de cette saisie était d’à peu près 100 000 euros.

Trois semaines plus tôt, c’est un colis d’hippocampes séchés qui a été intercepté par les services des douanes : il y en avait 2 000 envoyés depuis la Guinée. Ils devaient, au moins en partie, être réexpédiés au Vietnam. Valeur estimée : plusieurs dizaines de milliers d’euros à la revente. Les acheteurs, européens ou asiatiques, fantasment sur les vertus soi-disant aphrodisiaques de la poudre préparée avec ces curieux petits poissons également en voie de disparition et protégés comme les cactus par la CITES, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées.

Signée en 1972 à Washington, la Convention peine toutefois à mettre en œuvre une véritable protection mondiale de la faune et de la flore, en atteste le déroulement tumultueux de ses derniers travaux qui se sont achevés le 4 octobre en Afrique du Sud. Le trafic d’espèces, moins dangereux que le trafic de drogue, persiste et les douaniers saisissent des centaines de colis illégaux chaque année.

Un trafic d’une quinzaine de milliards d’euros

En mettant en avant le massacre des éléphants pour leur ivoire ou celui des rhinocéros pour la poudre de leur corne censée guérir de nombreuses maladies, dont l’impuissance, les défenseurs des animaux ou de la biodiversité font parfois passer au second plan l’autre face de ce trafic. Évalué à une quinzaine de milliards d’euros par an, il détruit également la nature ordinaire. Derrière les 1 200 rhinocéros tués en Afrique du Sud en 2015 ou les 30 000 éléphants abattus sur le continent africain chaque année, se cachent d’autres victimes discrètes dont le commerce et donc la disparition appauvrissent la biodiversité dans le monde. Tout en enrichissant des trafiquants qui ne risquent que des amendes ou des peines d’emprisonnement légères.

Lors des réunions de la CITES, qui ont lieu tous les quatre ans, l’enjeu est de réussir à placer des espèces sur la liste de l’annexe 1 de la Convention (interdiction totale de commercialisation) ou sur la liste de l’annexe 2. Cette dernière prévoit simplement des quotas annuels jamais respectés car les « certificats » garantissant qu’une espèce entre dans un quota font également l’objet de trafics et de falsifications. Ce qui explique, par exemple, la disparition progressive des perroquets gris du Gabon : 1,3 million de ces oiseaux auraient été exportés en 2015 de l’Afrique vers le reste du monde, chiffre qui excède largement les quotas. La menace est telle que l’une des rares décisions de la CITES a été de placer ce perroquet sur la liste de l’annexe 1. D’autant plus qu’environ 50 % des animaux meurent pendant le transport. Fréquemment, les douaniers de Roissy et d’autres capitales européennes en saisissent ficelés dans des valises, Beaucoup étant morts étouffés ou tués par le froid des soutes. Dans tous les pays africains de son aire naturelle, une quinzaine, cet oiseau est en voie de disparition mais il se vend au moins 1 800 euros à Paris.

De nombreux oiseaux, des serpents, des lézards, des batraciens, des peaux et de la viande de pangolins (un des mammifères les plus braconnés sur terre), des dépouilles de guépards, de panthères, d’ours, de crocodiles s’ajoutent chaque année au commerce florissant des défenses d’ivoire. Il existe même, pour des collectionneurs spécialisés, des trafiquants qui recherchent et revendent ensuite à prix d’or des œufs d’oiseaux protégés.

La réunion de la CITES qui vient de se terminer, n’a donc réussi qu’à sauver le pangolin et le perroquet gris du Gabon. Théoriquement au moins. Mais pour ces espèces comme pour les éléphants, les rhinocéros, les hippocampes, les tortues, les orchidées, les singes, les cactus et bien d’autres, l’ampleur des gains pour les trafiquants, qui exploitent à bas prix les « chasseurs » des pays du Sud, freine toujours la lutte contre l’exploitation de la faune et de la flore en voie de disparition.

Écologie
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