Yannick Jadot veut conquérir « la France vive »

Le candidat écologiste vient de présenter son programme pour la présidentielle : une volonté d’insuffler un élan positif, la protection de la planète et du sociétal bien sûr, mais aussi du social et de l’économie tous azimuts. On attend cependant un chiffrage et le chapitre sécurité est peu développé.

Patrick Piro  • 13 janvier 2017 abonné·es
Yannick Jadot veut conquérir « la France vive »
© Photo : Quentin Veuillet / Citizenside et Alain Jocard / AFP

Comment exister lors de la présidentielle 2017 quand on est chantre de l’écologie, alors que les concurrents Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon, à leur manière, ont aujourd’hui bien intégré cette approche dans leur vision politique ? Comment convaincre l’opinion qu’il est utile d’apporter ses suffrages à Yannick Jadot au premier tour quand d’autres, qui le devance(raie)nt dans les sondages, sont loin d’être ridicules sur le terrain de l’écologie ?

C’est l’exercice délicat auquel s’est livré Yannick Jadot mercredi dernier à l’occasion des vœux d’Europe écologie les Verts, dans l’espace de co-travail Volumes (Paris 19ème). Pendant une grosse heure, en bon orateur, le vainqueur de la primaire écolo a déroulé l’essentiel des 76 propositions de son programme réparties en sept chapitres : la transition énergétique, la protection du vivant et de la santé, le déploiement des droits pour tous, une économie relocalisée misant sur l’innovation, une réforme du système démocratique, la refonte du projet européen, la solidarité et la coopération internationales. Si l’ensemble ne prendra pas au dépourvu le public d’EELV, il présente plusieurs mérites au regard de précédentes campagnes présidentielles écologistes.

© Politis

C’est un programme très cohérent tout d’abord, à l’image d’une écologie qui se veut une pensée politique globale : protéger la planète, c’est aussi apporter de la sécurité aux plus démunis, consolider l’économie, réduire les inégalités, accroître le bien-être de tous, etc.

Ensuite, le candidat évite soigneusement toute diatribe alarmiste. Le terme « crise » en est absent, et « l’urgence » n’apparaît qu’une seule fois en 10 pages. Yannick Jadot décline, volontariste, un positivisme écologiste, considérant que l’heure n’est plus à sonner un tocsin à l’effet répulsif auprès du public.

Enfin, et comme si le catastrophisme conduisait à l’épouvantail du « déclinisme », il adopte sans mégoter une vision classiquement en vigueur dans le domaine entrepreneurial, dont il emprunte même certains termes. La campagne de Jadot en appelle à « la France vive » (son slogan), à sa capacité d’innovation, à ces PME dynamiques et à ces start-up « qui fascinent », à l’exploitation du potentiel du numérique. En 2012, la campagne d’Eva Joly inaugurait une réconciliation des écolos avec le monde de l’entreprise, celle de Jadot entend se l’allier.

Un catalogue d’intentions fortes

Ces 76 propositions dessinent ainsi pour la France une transition écologique vigoureuse mais pas déprimante, où une grande majorité peut se voir gagnante.

Reste qu’à la lecture, les intentions du candidat s’approchent plus d’un catalogue d’intentions fortes que d’un programme véritablement opérationnel. Il reste par ailleurs faible au chapitre de la défense et surtout de la sécurité, thème particulièrement sensible en cette période : le programme mentionne juste la restauration d’une police de proximité, et le candidat annonce la fin de l’État d’urgence dès qu’il serait élu.

Et surtout il y manque du chiffrage. Ainsi, concernant l’instauration d’un revenu minimum d’existence, classique chez les écolos et au centre des débats du moment depuis que Benoît Hamon porte la mesure, l’équipe de Jadot s’en remet à une conférence de consensus pour en définir les contours : peu démonstratif. Tout cela pourrait cependant être précisé lors de la sortie le 8 février d’un livre développant ce programme (et qui servira pour les législatives), émanation d’un processus participatif interne à EELV.

Les perspectives sont étroites, quoi qu’il en soit, pour un Yannick Jadot qui n’ignorait rien des difficultés qui l’attendaient. S’il peut compter sur son éloquence et une bonne connaissance des dossiers, il doit se battre contre ses « amis » de l’intérieur (un classique à EELV), où monte depuis quelques temps une petite musique « pro-Hamon », traduction actuelle des doutes qui habitent depuis des mois une frange des écologistes quant à l’opportunité de présenter un candidat « maison » éparpilleur de voix, alors que la gauche risque fort d’être éliminée du second tour de la présidentielle. Lui-même se reconnaissait une forte proximité avec Benoît Hamon, avant de clarifier sa position mercredi dernier : pas question de laisser (déjà) supposer qu’il serait prêt à se rallier au socialiste le plus à gauche de la primaire de la Belle alliance populaire si ce dernier était choisi.

Une militante sarthoise s’agace de ces embardées tactiques, qui compliquent singulièrement la tâche des militants chargés de collecter des promesses de signatures pour assurer à Jadot son ticket d’entrée à la course présidentielle. « À quoi bon si c’est pour que votre poulain renonce ? », rétorquent certains maires. C’est l’autre défi des semaines qui viennent. La direction du parti assure pouvoir compter sur le parrainage des 170 à 180 élus écolos. « Pour s’assurer des 500 signatures nécessaires, et compte-tenu des promesses non concrétisées, nous en cherchons 400 », explique David Cormand, secrétaire national, qui indique qu’un premier bilan sera livré la semaine prochaine.

Enfin, Yannick Jadot, qui lutte contre un déficit de notoriété nationale (2 % d’intentions dans les sondages actuellement), doit tenter de se faire une image nationale en restant dans l’épure d’un budget minimaliste de 1,1 million d’euros. En conséquence, seuls deux grands meetings sont prévus : le 19 mars à Nantes, et le 20 avril à Paris.

Aller plus loin > Le programme du candidat Jadot

Quelques-unes de ses propositions résumées :

1- la transition énergétique

  • arrêt des réacteurs nucléaires les plus préoccupants en 2017, en vue d’une sortie progressive et totale d’ici 2035.

  • part des énergies renouvelables : 23 % en 2020, 40 % en 2030, 100 % en 2050.

  • rénovation thermique de 750 000 logements anciens par an – renforcement de la lutte contre l’obsolescence programmée

  • abandon des projets d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes et de la liaison ferroviaire Lyon-Turin et révision complète du schéma des infrastructures de transport

  • diviser par deux la production de déchets d’ici à 2030

2- la protection du vivant et de la santé

  • priorité à la prévention et la proximité pour le système de santé, création de maisons de santé

  • primauté de la sécurité sociale vis-à-vis des complémentaires

  • lutte contre la pollution : interdiction du glyphosate et des perturbateurs endocriniens, sortie du diesel, zéro pesticide en 2030

  • 100% des cantines publiques et privées (école, hôpitaux, entreprises) approvisionnées par l’agriculture paysanne ou écologique, multiplication par quatre des surfaces cultivées bio

  • lutte contre la souffrance animale.

3- le déploiement des droits pour tous

  • création d’un revenu minimum d’existence

  • extension du RSA aux 18-25 ans, le smic à 1 800 euros bruts

  • loyers : encadrement dans les zones « tendues » et garantie universelle

  • création d’un revenu minimum d’existence – réduction du temps de travail

  • lutte contre la souffrance au travail

  • lutte contre le décrochage et l’échec scolaire

  • accès à la PMA pour toutes les femmes

  • 400 000 nouvelles places en crèche.

  • 1% du budget de l’État pour la culture

  • égalité femmes-hommes, loi cadre sur les violences faites aux femmes

4- une économie relocalisée misant sur l’innovation

  • des contrats territoriaux de transition écologique

  • 50% des marchés publics aux PME/PMI et start-up qui emploient localement

  • orienter l’épargne vers le capital-risque des entreprises innovantes

  • développer la fiscalité écologique

  • renforcer la lutte contre l’évasion fiscale

5- une réforme du système démocratique

  • droit de vote des étrangers aux élections locales

  • une Assemblée nationale de 400 élus à la proportionnelle dont 20 % de moins de 30 ans

  • des votations citoyennes sur des sujets du quotidien

  • un vice-Premier ministre au Développement durable

  • redistribuer 1 % des bénéfices de l’agroalimentaire, de l’immobilier et de la publicité vers des projets citoyens

  • renforcer les services publics

  • légaliser le cannabis

6- la refonte du projet européen

  • 600 milliards d’euros par an, pour la transition énergétique, le numérique, le transport du quotidien, la santé

  • une assemblée constituante basée sur des conventions citoyennes

  • mettre en œuvre la Taxe sur les transactions financières

  • harmoniser les pratiques entre États pour stopper l’évasion fiscale

  • interdire sur le marché européen les produits issus de pays ne respectant pas la liberté syndicale

  • stopper les négociations des accords de libre-échange – partager équitablement l’accueil des réfugiés

  • aller vers une défense européenne commune

7- la solidarité et la coopération internationales

  • réformer le Conseil de sécurité des Nations unies

  • accroître l’Aide publique au développement

  • œuvrer au désarmement nucléaire

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