Dans les syndicats, la convergence des luttes fait débat

Alors que la CGT appelait à une manifestation interprofessionnelle ce 19 avril, la question d’un front commun des secteurs mobilisés divise les organisations de salariés, y compris en interne.

Malika Butzbach  • 19 avril 2018
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Dans les syndicats, la convergence des luttes fait débat
© photo : patrice pierrot / CrowdSpark

Un front commun contre Emmanuel Macron : c’est ce que la CGT, rejointe ensuite par Sud, avait annoncé vouloir faire de la mobilisation nationale interprofessionnelle d’aujourd’hui. Et le cortège parisien parti de Montparnasse rassemble des salariés du public et du privé, travailleurs dans l’industrie comme dans les services… Partout, les mécontentements s’enracinent. De quoi faire de nouveau rêver les syndicats au « printemps social ». Mais, alors que le 1er Mai approche, l’unité n’apparaît pas. Si certains croient à la convergence des luttes, d’autres la considèrent comme trop politique ou inefficace.

Division des chefs

Philippe Martinez fait partie des premiers : il veut la convergence des luttes et le martèle depuis plusieurs jours, espérant agréger les colères. « Il y a un tronc commun autour des question du pouvoir d’achat et d’emploi », explique le secrétaire général de la CGT. Mais, à part Sud, les autres organisations syndicales n’ont pas rejoint le mouvement. La cause ? Une divergence d’opinion sur ce concept de convergence des luttes. « Ce mode d’action ne fonctionne pas, affirme Laurent Berger de la CFDT. C’est une démarche politique plus que syndicale, qui ne permet pas de faire aboutir les revendications des salariés. » Même argument dans la bouche du président de la CFE-CGC, Francois Hommeril, qui estime que cette notion « nuit à l’efficacité syndicale ». « Nous avons un problème avec ce concept, à commencer par le fait qu’il n’établit pas de façon claire la barrière entre une organisation syndicale et un parti politique », a-t-il déclaré à la radio le matin-même de la manifestation.

Généralisation plutôt que convergence

Toutefois, le président de la CFE-CGC estime que « le syndicalisme n’est jamais aussi utile, jamais aussi efficace que lorsqu’il est rassemblé ». Ce désir d’unité est aussi présent dans la tête de certains ce jeudi matin à l’assemblée générale de la gare Paris Nord. Parmi eux, François Grasa, porte-parole de Force ouvrière Cheminots. Alors que la confédération FO n’a pas appelé à la manifestation, lui sera au rendez-vous de 14h, à Montparnasse. Mais « la convergence des luttes, je ne sais pas ce que c’est », lance-t-il. Selon lui, la priorité se trouve d’abord dans le renforcement des mobilisations actuelles à la SNCF et les autres secteurs.

Après on pourra peut-être réfléchir à une unité. Mais ce n’est pas moi qui vais aller débrayer les professeurs ou les personnels des hôpitaux, je ne connais rien de leur situation. Moi je suis cheminot.

Pour Monique Dabat aussi, la priorité est avant tout d’enraciner la mobilisation des cheminots. « La mobilisation se construit jour après jour. C’est important de sensibiliser nos collègues non grévistes à ce mouvement, de construire quelque chose de fort… Et puis, peut-être que ce mouvement donnera des idées aux autres », affirme la déléguée syndicale Sud Rail. « Moi, je suis plus pour la généralisation des luttes. »

© Politis

Des liens à tisser

Pourtant, lorsque l’on pose la question à la base syndicale, tous applaudissent cette convergence. « Pour moi, la convergence, c’est la contagion », explique Annasse Kazib entre deux slogans. Collant vert de Sud Rail collé sur la poitrine, l’aiguilleur ne craint pas la dilution du message. « Bien sûr que chaque secteur a ses propres revendications, mais on en a en commun. Après tout, même Macron, même combat ! », sourie-t-il. « D’autant que, si l’on prend un peu de recul, toutes les attaques sont similaires », analyse Thomas, sous son drapeau FO. Il énumère les hôpitaux, la RATP, les assistantes d’éducation… « Tous ces secteurs que le gouvernement et le patronat veulent transformer pour des bénéfices au détriment de l’humain doivent marcher ensemble aujourd’hui. » « Ils ont raison de ne pas attendre, il y a un mouvement en cours, il faut qu’ils s’en saisissent ! », commente Karim de Sud avant de crier au chauffeurs « Les taxis avec nous ! » « Ce mouvement qui prend, il nous faut le continuer », déclare Gauthier de la CGT en montrant les étudiants de Tolbiac et deux salariées de l’hôpital Lariboisière venues prendre la parole en AG. « Il y a des liens à tisser, un travail de coopération à faire. Ce n’est que le début ! »

Travail Société
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