Anémone, l’indomptable

L’actrice décédée mardi avait participé à un numéro de Politis en 2011, en devenant pour l’occasion présidente de la République.

Christophe Kantcheff  • 2 mai 2019
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Anémone, l’indomptable
photo : « Péril en la demeure », de Michel Devillen1985.
© DR

Avec Anémone, ce fut une histoire de rencontre mais pas de hasard. En 2011, nous préparions notre numéro d’été, avec l’idée qu’il fallait enchanter l’année électorale à venir. Nous avions l’idée d’une fiction, d’une politique-fiction, où nous allions raconter les six premiers mois du futur président tel que nous pouvions les rêver.

Et puis, à une terrasse de café, Anémone est là ; quelques échanges de paroles, et la voilà qui entre dans notre projet. Anémone, le verbe haut et cru, l’enguirlandeuse flamboyante, la révolte à fleur de peau, serait notre présidente de la République. Trop fiers !

La rencontre entre Anémone et Politis n’avait rien de fortuit : adhérente d’Attac depuis longtemps, conspuant le capitalisme et ses ravages, portant haut la bataille écologiste, l’actrice partageait nos préoccupations et nos combats. Elle fut avec nous d’une totale générosité. Et drôle, bien sûr ! Elle enfila le costume de présidente, comme s’il ne s’agissait pas d’un rôle de composition.

© Politis

Et la une de ce numéro, où Anémone figure en toute prestance rebelle, est magnifique ! Inutile de dire que l’annonce de sa mort nous a profondément attristés. À 68 ans, le 30 avril, du cancer de la fumeuse. Sale faucheuse, qui venait tout juste de s’occuper de Jean-Pierre Marielle. Comme lui, Anémone était une actrice de caractère, la gouaille en étendard, mais recelant aussi les fragilités ou les troubles qui traversaient certains de ses personnages.

Anémone a marqué une époque avec son inénarrable Thérèse, de l’équipe du Splendid et du Père Noël est une ordure. À l’autre bout du spectre cinématographique, elle a tourné avec un cinéaste parmi les plus exigeants rencontré dans l’underground contestataire des années 1960, Philippe Garrel. Par deux fois : Anémone, en 1968, et Les Baisers de secours, en 1989.

Anémone aurait pu se hausser du col, avec une filmographie qui contient quelques pépites : Péril en la demeure (1985), de Michel Deville, Après après-demain (1990), de Gérard Frot-Coutaz, Le petit prince a dit (1992), de Christine Pascal, Pas très catholique (1994), de Tonie Marshall, Voisins, voisines (2005), de Malik Chibane, Pauline et François (2010), de Renaud Fély…

Mais elle n’était pas de ce genre. Anémone haïssait les fastes de la notoriété et son langage direct, teinté parfois de misanthropie, pouvait ne pas toujours plaire. Jusqu’au bout, elle est restée qui elle était : une femme sauvage.

Idées
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