Portraits d’un PAF obscène

À longueur d’émission, ils lancent des polémiques toujours plus nauséabondes : du rétablissement de la peine de mort à l’islamisation de la société en passant par le grand remplacement. Ils sont cinq à la Une de Politis. Cinq « racailles », pour reprendre leurs mots. Attention, liste non exhaustive…

Politis  • 25 janvier 2023
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Portraits d’un PAF obscène
© Stéphane Trapier.

Cyril Hanouna, le Baba des bouffons

« Il apporte de la joie dans les foyers » prétend Maxime Saada, président du directoire du groupe Canal+. Cyril Hanouna apporte surtout beaucoup d’argent au groupe et une grosse dose d’idées d’extrême droite dans les foyers français. Derrière ses « chéris, mes amours » et autres niaiseries lancées sur les réseaux sociaux, Cyril Hanouna est l’un des plus grands pourvoyeurs de populisme du PAF.

On se souviendra longtemps de sa sortie suite au terrible meurtre de la petite Lola en octobre dernier. Juste après l’arrestation de la principale suspecte, âgée de 24 ans : « Le procès doit se faire immédiatement, en quelques heures, et terminé, c’est perpétuité directe, il n’y a même pas de discussion ». Remettant ainsi en cause notre État de droit, sans sourciller, Cyril Hanouna déverse sa haine et laisse place à celles des autres.

Celui qui voulait jouer un rôle de médiateur entre son public et le monde politique l’a effectivement fait, mais avec l’extrême droite et le populisme le plus crasse. « J’ai toujours défendu le racisme » a scandé Cyril Hanouna, dans un lapsus mémorable dont chacun tirera les leçons. Ainsi, Éric Zemmour a eu droit à une impressionnante surreprésentation dans le temps d’antenne que « Touche pas à mon poste » (TPMP) consacre à la politique.

À tel point que sur ce segment, 53 % est consacrée aux idées nationalistes et identitaires, entre septembre et décembre 2021, selon une étude de Claire Sécail, chargée de recherche au CNRS. « On ne va pas se mentir Éric Zemmour, c’est un carton d’audience », se justifie Cyril Hanouna, bouffon de l’empereur Bolloré qui lui a signé un contrat à 250 millions d’euros sur cinq ans. Et mieux vaut ne pas trop critiquer papa Bolloré et ses « projets » en Afrique – dans une affaire de corruption au Togo, pour laquelle il est mis en examen, la société Bolloré SE a payé une amende de 12 millions d’euros –, sous peine de subir les foudres hanounesques.

Cyril Hanouna n’en est pas à ses débuts en matière de bouse audiovisuelle. En 2017, il avait piégé en direct des homosexuels après avoir posté une fausse annonce où il se faisait passer pour un jeune bisexuel en quête d’amour. Résultat : une amende de 3 millions d’euros validée par le Conseil d’État en ces termes : Cyril Hanouna « incitait des personnes contactées par téléphone à tenir des propos d’une crudité appuyée dévoilant leur intimité et exposant leur vie privée, alors même qu’elles ne pouvaient imaginer que leurs propos seraient diffusés lors d’une émission publique ».

L’humour potache peut cacher une très grande violence. Rappelons l’agression sexuelle d’une chroniqueuse à qui il avait bandé les yeux et dont il avait pris la main pour la poser sur son sexe ou encore les propos délirants de ses chroniqueurs : « Un homme qui fait l’amour à sa femme pendant qu’elle dort, c’est trop mignon. » En toute décontraction. La culture du viol, qu’est-ce que c’est drôle !

Mais l’animateur de C8, qui s‘en prend sans complexe au financement de l’audiovisuel public – tellement plus qualitatif que les chaînes de son groupe (voir notre article) – est surtout un businessman décomplexé. Il investit plusieurs millions d’euros dans tout ce qui peut rapporter et en fait sa propre publicité lors de son émission comme un vulgaire influenceur en placement de produits. La déontologie, connaît pas !

Hanouna avait des parts dans la société Shauna Events, appartenant à Magali Berdah, dont il était très proche. Elle vient d’être condamnée à reverser 2 millions d’euros à un couple d’influenceurs. Discrètement, Hanouna a récemment revendu ses parts. Une plainte collective a en outre été déposée par une centaine de personnes pour escroquerie en bande organisée contre des influenceurs habitués de TPMP. Et les victimes témoignent : « Je l’ai vu dans l’émission de Cyril Hanouna. Ça donne une certaine crédibilité. » Plus pour longtemps.


Pascal Praud, pro Z

Du lundi au jeudi, Pascal Praud trône à son comptoir deux fois par jour pour 2 h 30 d’émission. Et 1 h 30 le vendredi. Vissé à CNews qu’il ne quittera « jamais », il en est l’un des journalistes vedettes avec son « Heure des pros » entouré d’« une équipe de pro-Praud », il est aussi conseiller éditorial de Serge Nedjar, le patron de la chaîne à qui, dit-il, il est reconnaissant de l’avoir « fait sortir du football ».

Affirmant jouir d’une liberté inexistante ailleurs, il la met à profit pour « se rapprocher intuitivement de ce que pensent les téléspectateurs quand ils nous regardent ». Il veut être « le porte-parole des Marcel au bistrot », a traduit Élisabeth Lévy qui aime ces rades. L’hebdomadaire Marianne, qui rapportait ces propos, le qualifiait de « boubour » (bourgeois-bourrin) par opposition aux « bobos » qu’il exècre.

C’était juste avant que l’audience de CNews ne s’envole, tirée par l’arrivée d’Éric Zemmour. L’ancien journaliste sportif n’a pas eu de difficultés à s’adapter intuitivement à ce nouveau public drainé par le polémiste d’extrême droite. Après l’assassinat de Samuel Paty, il réhabilite Jean-Marie Le Pen en diffusant à plusieurs reprises un entretien de 1989 dans lequel le président du FN devise sur « la religion islamique [qui] n’a jamais réussi à s’établir de façon pacifique dans un pays chrétien ».

Ses chroniqueurs, Jean-Claude Dassier en tête, louent « le côté visionnaire » du père de Marine Le Pen tout en regrettant que ses « dérapages l’aient rendu inaudible ». « Une bonne partie de ce que disait Jean-Marie Le Pen en 1989 s’est réalisé depuis, affirme-t-il un autre jour. Ce n’est pas politiquement correct, mais il faut avoir le courage intellectuel de le dire. » Le moindre fait divers est monté en épingle, mis à profit pour fustiger la « bien pensance » de la gauche, du centre et des médias, les luttes sociales sont moquées, l’écologie ridiculisée, les politiques de gauche caricaturées…

En arbitre partisan, Pascal Praud distribue bons et mauvais points à ses chroniqueurs très majoritairement droitiers et sort régulièrement de ses gonds quand Marine Le Pen ou l’un des membres du RN est qualifiée d’extrême droite. Le Monde écrit-il que « chaque soir Éric Zemmour déverse avec le succès que l’on sait sa logorrhée nationaliste islamophobe face à une Christine Kelly débonnaire et des chroniqueurs complaisants » ? Pascal Praud le qualifie de « journal islamo-gauchiste » (répété deux fois) et jette en pâture le nom des deux journalistes signataires du papier. Mais juge qu’en moquant les propos teintés de xénophobie de quelques-uns de ses chroniqueurs « Quotidien » les « met en danger ».

Déçu du résultat de la présidentielle, il n’a pas caché le 17 mai, lors d’un échange sur le burkini, avoir accompagné la campagne d’Éric Zemmour, invité longuement et à plusieurs reprises sur son plateau : « Éric Zemmour avait mis au cœur de la société française, de sa campagne électorale, ces sujets-là. On les a développés sur cette antenne. […] On avait envie parfois de défendre cette identité française, ses mœurs, ses coutumes, ses habitudes… ». Un aveu qui contredit le témoignage de Vincent Bolloré devant une commission d’enquête sénatoriale.


Christine Kelly, la miséricordieuse

« Je suis pour la liberté d’offenser », confiait Christine Kelly à Élisabeth Levy dans un entretien fleuve pour Causeur, il y a quelques mois. La présentatrice de « Face à l’info » sur CNews donne peu d’interviews aux confrères, mais là on était un peu en famille. La gouailleuse cofondatrice et directrice de la rédaction du mensuel d’extrême droite, est en effet une intervenante régulière de « L’Heure des pros », l’autre émission phare de la chaîne animée par Pascal Praud.

Et c’est vrai que cette « liberté », Christine Kelly sait la chérir dans son émission d’opinion la moins pluraliste du PAF. Quatre jours par semaine de 19 h à 20 h, elle donne quartier libre aux salades réactionnaires, sécuritaires et xénophobes de ses quatre inamovibles chroniqueurs, à leurs paniques anti-woke ainsi qu’aux fake news les plus décomplexées.

La présentatrice star de CNews s’offre le gratin en la matière : Mathieu Bock-Coté, Charlotte d’Ornellas, Dimitri Pavlenko et Marc Menant, ont remplacé l’équipe constituée en octobre 2019 autour d’Éric Zemmour, pour qui l’émission avait été conçue. Après y avoir distillé, près de deux ans durant, ses élucubrations nationalistes, le polémiste condamné pour provocation à la haine raciale, qu’elle appelait « mon d’Artagnan », devient en septembre 2021 son martyr de la liberté d’expression : engagé dans sa précampagne présidentielle, le CSA décide que son temps de parole est désormais celui d’un politique, contraignant CNews à suspendre sa participation quotidienne.

Christine Kelly, qui fut l’une des « sages » chargés de veiller sur le PAF, conteste néanmoins la décision de l’instance de régulation ! Avec une parfaite mauvaise foi, qui lui viendrait du très haut. « Je me suis complètement effacée derrière Dieu et je l’ai laissé piloter, tout piloter », avouait-elle face à une assemblée chrétienne évangélique en mars 2022. Et quand CNews explose ses scores Médiamétrie (2,1 % de part d’audience en 2022 contre 1,4 % en 2020), « c’est Dieu qui faisait », sourit Kelly de cette voix qui jamais ne se lève.

À l’église comme sur le petit écran, la présentatrice a la miséricorde pour ligne de conduite. Ses chroniqueurs ne risquent rien. Aucune contradiction ne viendra saler leur mauvaise soupe pseudo-informationnelle. Mieux encore, ils pourront compter sur son soutien, comme ce 25 janvier le sociologue réactionnaire et pourfendeur de la cancel culture Mathieu Bock-Coté : « Vous êtes magnifique ce soir Christine », « Oh merci », « Ah non, non il ne faut plus dire ça chère Christine, c’est sexiste ! »

Dans la bande à Bolloré, Christine Kelly est un peu la Schtroumpfette. Femme noire au pays des masculinistes suprémacistes, complaisante, mais toujours avec le sourire.


Matthieu Delormeau, l’idiot utile

Matthieu Delormeau n’est certes « que » chroniqueur pour « Touche pas à mon poste », et animateur de quelques spin-off sur C8, le dernier en date étant consacré aux « people » le samedi. Mais avec ses 2,1 millions d’abonné.es sur Twitter, il est une des stars du système Bolloré les plus suivies sur les réseaux sociaux.

Bien que la majorité de sa carrière télévisuelle repose dans l’assistanat de deux de ces quatre autres « racailles », d’abord Jean-Marc Morandini, déjà sur Direct 8 (aujourd’hui C8), puis Cyril Hanouna, avec entre les deux un passage de quelques années sur NRJ12, son rôle de chroniqueur/assistant/passe-plat/souffre-douleur est essentiel au bon fonctionnement de la machine réactionnaire de Vincent Bolloré.

Les fonctions que ce chroniqueur historique remplit dans l’émission empêchent de réduire son rôle à celui d’un idiot utile qu’Hanouna aime torturer et humilier à l’antenne, y compris physiquement. L’attachement que lui manifestent les téléspectateur·ices, contribuant à l’audience de TPMP, lui offre un passe-droit immense : même si Baba le chasse d’un plateau un jour, il est absolument certain de revenir le lendemain, ce qui n’est pas le cas de chroniqueur·ses moins installé·es.

Matthieu Delormeau est-il le gay le plus homophobe et transphobe du PAF ? En tous cas, il y travaille, s’en prenant régulièrement à la Marche des fiertés, à Bilal Hassani, aux « folles », aux personnes non-binaires, aux hommes trans… Il puise pour cela dans un argumentaire d’extrême droite, vieux comme le monde, dénonçant un « lobby gay » et sa « puissance », qui viendrait des États-Unis pour imposer une culture « non-genrée » par les emojis. Et les dizaines de signalements à l’Arcom n’y font rien.

Et quand Matthieu Delormeau n’est pas occupé à servir des rhétoriques homophobes et conceptualiser l’homosexualité par un seul prisme – le sien, celui d’un homme blanc, cisgenre et riche d’une cinquantaine d’années – il s’en prend aux grévistes de Geodis opposés à la réforme des retraites qui n’auraient pas conscience de ce qu’est le travail, réclame le retour de la peine de mort avant même la fin de l’enquête dans l’affaire Lelandais, ou prend la défense du député RN Julien Odoul lorsqu’il est invité dans TPMP.

Remplissant ainsi parfaitement le rôle qui est le sien, celui d’une caution réactionnaire sur les sujets LGBT, et d’un « fusible » protégé pour taper sur les ouvrier·es, les syndicalistes, les progressistes et les féministes.


Jean-Marc Morandini, Vieux Port (13001)

Si l’information-poubelle avait un visage, elle porterait celui de Jean-Marc Morandini. L’animateur, connu depuis les années 1990, est à la tête d’un blog éponyme connu pour sa partialité, et au sujet duquel il a même déclaré : « Quand j’ai une info sur Lagardère ou Bolloré, je demande l’autorisation avant de la sortir ».

Son modèle économique ne tourne que sur sa capacité à vendre, voire survendre une information rarement vérifiée, mais toujours traitée comme le scoop du siècle. Outre ses méthodes qui feraient bondir les professeur·es de déontologie de son école de journalisme à Marseille, il est aussi accusé de corruption de mineurs. Un fait d’armes qui ne semble pas déranger son employeur, CNews, qui ne peut pas se permettre de perdre une des pièces maitresses du système Bolloré, dans lequel Jean-Marc Morandini a fait l’immense majorité de sa carrière.

Il quitte en 2016 Europe 1 et NRJ12, mais en profite pour s’installer chez I-Tele, déclenchant une grève massive, et la suspension de son émission phare, le Morandini Live. Quelques mois plus tard, I-Tele devient CNews et Jean-Marc Morandini retrouve son siège en plateau, qu’il n’a pas quitté depuis. La campagne présidentielle a été un moment particulièrement épanouissant pour la méthode Morandini, qui utilise son audience pour faire la promotion d’Éric Zemmour, toujours avec son sens si précis de la mise en scène.

Une séquence ressort particulièrement : dans l’émission « Face à la rue », il emmène Éric Zemmour à Drancy, où ils « croisent » une « habitante » voilée. Le candidat d’extrême droite commence à discuter avec elle, puis finit par la « convaincre » de retirer son voile en direct. Problème : l’habitante en question est une salariée de Bolloré Logistics, et ne porte que très rarement le voile. Et la rencontre n’est pas du tout hasardeuse, mais bien prévue par l’équipe de Morandini. Mais elle sert parfaitement le discours d’Éric Zemmour, et sa campagne, que Vincent Bolloré ne s’est jamais caché de soutenir…

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Publié dans le dossier
Le Pen : comment la déconstruire ?
Temps de lecture : 14 minutes
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