L’accessoire et l’essentiel

Michel Soudais  • 1 mars 2007
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Alors que le feuilleton des parrainages occupe le devant de l’actualité présidentielle, plusieurs histoires remontent du terrain pour alimenter la production d’information. Comme souvent, il importe de faire le tri dans cet afflux de nouvelles entre l’accessoire et l’essentiel.

Anecdotique , le chèque de 1.000 euros proposé au maire de Saint-Pierre-d’Arthéglise (Manche) par un proche de Jean-Marie Le Pen, Fernand Le Rachinel, député européen et membre du bureau politique du Front national, en échange de son parrainage. Celui-ci était libellé non à l’ordre du maire mais d’une association des Amis du patrimoine, créée pour restaurer les monuments de la commune, notamment le porche et les vitraux de l’église.

Télés et radios ont vite fait des gorges chaudes de cette histoire révélée hier par Le Parisien , avec force témoignage de l’édile démarché. Pour s’offusquer des «dérives» auxquelles conduisent «la guerre des parrainages» … Bigre! Pour un peu, on nous ferait croire que le procédé est nouveau et que le FN l’a inventé.

Rappelons à ceux qui étaient trop petits pour s’en souvenir, comme à ceux qui ont la mémoire courte, qu’on ne compte plus, dans l’Oise, les toitures d’églises, les préaux d’écoles communales, les salles des fêtes restaurés grâce aux Pascal (billets de 500 francs, dont le cours a cessé aujourd’hui) que Marcel Dassault (le père de Serge, patron du Figaro )distribuait dans sa circonscription à chacune de ses campagnes électorales sous l’étiquette RPR. Cela se passait dans les années 70-80, et des exemples comme ça la République en a connu plus d’un. Ainsi se faisait la politique de grand papa. Qu’un parti idéologiquement archaïque recourt encore à de telle méthodes est dans l’ordre des choses. Et pour tout dire, ce n’est pas plus répréhensible que le fait de menacer le maire d’une petite commune de ne pas lui verser la subvention d’équipement pour la salle polyvalente de sa commune, s’il parraine un concurrent.

Anecdotique aussi , le braconnage auquel les partisans de José Bové s’adonneraient en allant démarcher des maires qui avaient promis leur signature à Olivier Besancenot pour leur faire changer d’avis. Certes cela existe. La question a été débattue sur un forum de discussion. La LCR déplore quelques cas de retournement. Mais ses responsables minimisent aussi le phénomène. Tout en jugeant le procédé «inélégant» , Olivier Martin, responsable des parrainages de l’organisation trotskiste, admet que c’est le fait d’électrons libres.

Des pressions comme jamais

Même si ces anecdotes peuvent être significatives, c’est d’abord le verrouillage politique autours des grands candidats qui constitue l’évenement de ce qu’on appelle la «guerre des parrainages». Un chiffre pourrait le résumer: pour engranger 452 parrainages à ce jour, la LCR affirme avoir rencontré physiquement 13.000 maires! Cela donne une idée de l’énergie dépensée et de l’ampleur des refus.

Olivier Besancenot, qui était ce midi sur la chaîne LCP, et José Bové qui présentait cet après-midi son livre de campagne devant quelques journalistes, sont d’accord sur ce point: jamais la pression des principaux partis sur les petits élus n’a été aussi forte. L’un comme l’autre évoquent les mises en garde dont des maires leur auraient fait part. Le candidat de la LCR a notamment cité l’extrait d’un courrier adressé par Jean-Jacques Urvoas, secrétaire départemental du Finistère, à un maire non encarté au PS: «La presse fait état de ton éventuel parrainage d’Olivier Besancenot, or tu dois savoir qu’il y a danger que Sarkozy soit élu dès le premier tour en dépassant 50 % des voix. Il ne faut pas se disperser et donner ses parrainages à Ségolène Royal.» Dans Libération , l’auteur de cette missive dément l’avoir écrit.

Pourtant c’est bien le même raisonnement que tiennent cent cinquante intellectuels signataires de l’appel «Avant qu’il ne soit trop tard», publié ce jeudi dans le Nouvel observateur . Un appel à voter utile critiqué dans le dernier édito de Denis Sieffert.

Après la démocratie participative, l’heure serait-elle à la démocratie exclusive?

Temps de lecture : 3 minutes
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