Ultimes appels à la raison

Michel Soudais  • 4 mai 2007
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Nicolas Sarkozy peut-il être battu ? Vu la pression médiatique et sondagière, c’est douteux. Et pourtant… l »élection du président de l’UMP n’est pas encore écrite. Pour peu que les hésitants se ressaisissent. D’où les ultimes appels de Ségolène Royal [^2] mais aussi d’Oliver Besancenot.

Les clefs du scrutin

Sur le papier, le président de l’UMP, qui a recueilli 31,18% des voix au premier tour, dispose d’un potentiel électoral de 33,4% avec le ralliement arraché sous la pression du souverainiste Philippe de Villiers. Les sondages le donnent systématiquement vainqueur, avec 51% à 53% des intentions de vote.

Après les désistements des candidats d’extrême gauche et écologiste, Ségolène Royal peut compter sur 36,1% – un score d’une faiblesse sans précédent pour la gauche. A supposer que les électeurs de ces candidats suivent les consignes de leur candidat. Or il semble que ce soit loin d’être le cas.

Le report des voix «bayrouistes» (18,57%) et «lepénistes» (10,44%)sera donc déterminant, avec tous les meccanos arithmétiques possibles, même s’il apparaît au travers de sondages parfois contrastés que les électeurs centristes choisiront plutôt Ségolène Royal et les électeurs du Front national, Nicolas Sarkozy.

Jean-Marie Le Pen a prôné l’abstention – près de la moitié de son électorat pourrait suivre sa consigne, selon sa fille Marine – et François Bayrou a rendu à ses électeurs leur liberté, sans négliger toutefois d’éclairer leur parcours d’équilibriste. «Je ne voterai pas pour Sarkozy» , a-t-il déclaré mercredi soir à l’issue du débat télévisé entre les deux finalistes, selon Le Monde . Mais, la conversion sarkozyste de la majorité des députés centristes pourrait inciter les «bayrouistes» au vote utile dans la perspective des législatives des 10 et 17 juin.

Une autre clef du scrutin réside dans les reports de voix des électeurs de l’autre gauche. Selon les derniers sondages, entre 66% et 73% des électeurs de la gauche radicale (hors PCF) voteront Royal le 6 mai, contre 9 à 18% qui voteront Sarkozy et 13 à 27%, selon les enquêtes, qui s’abstiendront.

A ceux qui «trainent encore les pieds»C’est à ces électeurs de «la gauche radicale» , qui «traînent encore les pieds» , qu’Olivier Besancenot a lancé «de nouveau un appel» à voter massivement le 6 mai pour «battre Nicolas Sarkozy» .

A cette «minorité» d’électeurs qui peuvent «aller à reculons, hésiter ou franchement ne pas vouloir y aller» le 6 mai, le porte-parole de la LCR demande «plutôt que de se concentrer sur ce que dit Ségolène Royal, de se concentrer sur ce que dit Nicolas Sarkozy» . Il s’agit d’un «vote de résistance» au candidat UMP et «non un vote
d’adhésion au programme»
de la socialiste, a-t-il ajouté. «Re-écoutez Nicolas Sarkozy: c’est une raison suffisante pour aller voter contre lui» , a recommandé le jeune postier.

Parmi les nombreux appels de dernière minute, qui vont en ce sens, signalons la poignante lettre de la metteuse en scène Ariane Mnouchkine, dont l’engagement en faveur des sans-papiers est aussi ancien que connu.

Le candidat des inactifs et de la vieille France

Si Sarkozy l’emporte, ce pourrait bien être aussi en raison du vieillissement de la population. Le détail d’une enquête IFOP, parue le week-end dernier est à cet égard surprenant. Ségolène Royal y est majoritaire dans toutes les tranches d’âge jusqu’à 65 ans. Et Nicolas Sarkozy ne l’emporte que par un score de 75% chez nos plus anciens.
Ainsi, loin d’être le candidat du travail et des forces vives comme son discours volontariste semble l’affirmer, Nicolas Sarkozy serait en fait celui de l’inquiétude et des peurs ressenties par une population vieillissante, devant une modernité qui la bouscule et qu’elle refuse.

Alors, un conseil, profitez des quelques heures qui reste jusqu’au scrutin pour tenter de convaincre vos parents et grands-parents de ne pas infliger une terrible pénalité aux moins de 64 ans.

Questions essentielles

Car avec le choix d’un président de la République, le scrutin de dimanche répondra à quelques questions essentielles:

Existe-t-il une majorité pour porter à la présidence de la République un candidat qiu renforce les piliers du néolibéralisme, notamment l’affaiblissement des droits des salariés et le renforcement du pouvoir des actionnaires? Pour aggraver un système de redistribution des richesses injuste, qui permet à une contribuable de se faire rembourser 7 millions d’euros du fisc, grâce au bouclier fiscal ? « Ce que je propose c’est pire » , a prévenu M. Sarkozy au cours du débat qui l’opposait à Ségolène Royal, mercredi soir.

Existe-t-il une majorité pour « dire adieu à l’héritage de Mai 68 » en entonnant une rengaine pétainiste ? Pour accepter que Nicolas Sarkozy profane le plateau des Glières et la mémoire de la Résistance, au moment où les mesures qu’il prône rangerait au rayon des archaïsmes à oublier le programme du Conseil national de la résistance?

Peut-on prendre le risque de porter à l’Elysée un « responsable » politique qui place la France au dessus de la République[^3] ? Un roi des transactions immobilières qui justifie un coup d’Etat à l’origine d’une effroyable guerre civile de plus de dix ans (200 000 morts, 10 000 disparus, 500 000 exilés) ? Un populiste qui a défendu, à Toulon, le bilan positif de la colonisation, révise l’histoire chaque fois qu’il cite Jaurès et Blum, et reprend sans honte bue les idées de Jean-Marie Le Pen ?

[^2]: «Faisons mentir tous ces sondages, et leurs relais, tous ceux qui sont au (service du) pouvoir de l’argent, des intérêts et sont liés au pouvoir» , a déclaré la candidate de la gauche, à Lorient.

[^3]: Nicolas Sarkozy conclut désormais ces discours par cette formule : « Vive la République ! Et par dessus tout, vive la France ! » Une proclamation révélatrice du peu conscience républicaine de ce candidat à la présidence de la… République et du danger que représenterait pour celle-ci son élection. J’ai évoqué ce sujet cette semaine dans Politis dans mon « Regard sur la campagne »

Temps de lecture : 5 minutes
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