NKM, PKM et les internautes

Christine Tréguier  • 28 janvier 2009
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D’un côté, il y a Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM pour les intimes), jeune umpiste brillante et travailleuse, férue de santé et d’environnement, qui, après avoir travaillé pour Alstom, s’est retrouvée assez vite députée, secrétaire d’État chargée de l’Écologie, puis secrétaire d’État à la Prospective et au Développement de l’économie numérique.
De l’autre, il y a Pierre Kosciusko-Morizet (PKM), son frère cadet, PDG du site de vente en ligne Price Minister, président de l’Acsel (Association pour l’économie numérique) et de l’Asic (lobby des poids lourds du Net, Google, Dailymotion, Yahoo, Microsoft, Myspace, Wikipedia and co), relevant toutes deux du champ dont le développement est désormais sous la responsabilité de sa sœur. Entre les deux, il y a le Net et les internautes, partagés entre soulagement d’avoir une madame Internet qui en connaisse enfin un peu, et inquiétude sur sa neutralité future. Un peu comme s’ils apprenaient que Christine Albanel est la cousine du président du Syndicat des producteurs.

Prudente, NKM se retranche derrière la nécessité d’étudier les dossiers avant de se prononcer sur certains sujets, ce qui est tout à son honneur. Sur le dossier télévision, dont le devenir est étroitement lié à celui du monde numérique, elle s’exprimera plus tard. C’est d’autant plus sage que PKM ne cache pas son opposition à toute taxation des nouveaux acteurs de l’Internet, qu’il s’agisse de financer la télévision publique ou la création culturelle, au nom… de la défense des ménages durement frappés par la crise économique. Et que les médias, guignant l’éventuel conflit d’intérêt, seraient trop prompts à leur tomber sur le paletot.

En revanche, en ce qui concerne la lutte contre le téléchargement illégal, NKM, illico, fait siens les projets antipiratages chers aux industriels des contenus et à leurs défenseurs Nicolas Sarkozy et Christine Albanel. Invitée récemment chez Nicolas Demorand sur Inter, elle a affirmé que le très controversé projet de loi Création et Internet (qui doit mettre en place la riposte graduée et l’autorité indépendante Hadopi) « va à la fois dans le sens de la fermeté et surtout de la lisibilité ». Haro donc sur le « téléchargement indolore », « l’outil peut nous couper de certaines réalités, a-t-elle expliqué. La réalité, c’est la façon dont ça destructure, dont ça appauvrit, et finalement dont ça peut tuer la création ». Dommage qu’elle n’ait pas pris le temps de lire la brillante démonstration du contraire par Philippe Aigrain dans son livre Internet et Création (1) : des échanges numériques libres – retirés au monopole privatif des producteurs/encaisseurs de droits et soumis à une licence collective étendue – financeraient bien mieux la création et la diversité culturelle. Dommage que NKM n’ait pas non plus pris le temps de consulter PKM. Il lui aurait dit que l’Asic est très hostile à certains articles de ce projet de loi, comme l’obligation de filtrage qui nuirait au développement économique des acteurs. Et il lui aurait redit qu’« Internet est un monde ouvert, avec par essence une diffusion mondiale », qu’aucune loi française ne saurait réduire à son goût.

(1) Internet et Création, Philippe Aigrain, éd. In Libro Veritas, http://www.inlibroveritas.net/

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