Bienvenu au Pôle emploi !

Christine Tréguier  • 17 février 2009
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Étrangers, avec ou sans papiers, sachez que lors de votre inscription au Pôle emploi des informations vous concernant seront transmises automatiquement par la machine à des tiers. Vos titres de séjour d’abord, dont le préfet recevra une copie électronique. Le dispositif technique découle du décret de mai 2007, complétant la loi Sarkozy sur l’immigration. Il oblige les agents de l’ex-ANPE à s’assurer auprès de la préfecture de la légalité du séjour des travailleurs étrangers se présentant à leur guichet. La circulaire d’application avait alors suscité une levée de boucliers, tous syndicats ANPE, Assedic et Unedic confondus. Ils avaient demandé son abrogation, pour traitement discriminatoire des travailleurs étrangers non conforme à la convention 97 de l’Organisation internationale du travail (OIT). Loïc Barboux, de FO Emploi, avait saisi la Halde, qui s’était déclarée incompétente, estimant que vérification du titre de séjour n’était pas contrôle d’identité.

Aujourd’hui, les syndicats sont tout aussi unanimes. Les agents de l’emploi ne sont pas des « auxiliaires de police ». Pour Loïc Barboux, «  le gouvernement est revenu à la charge avec une solution informatique, testée en douce à Bordeaux et retardée pour l’instant par la vigilance et la pression des organisations syndicales  ». Lors de la première réunion du comité central d’entreprise de Pôle emploi, ils ont redit leur totale opposition. Le directeur général Christian Charpy leur a confirmé que le système était opérationnel mais pas actif. «  Charpy semble d’accord pour ne pas activer, dit Daniel Mémain, de SUD Emploi, tout en rappelant que le décret existe et devra être appliqué un jour. Nous sommes inquiets, tout le monde est d’accord, mais ça reste bloqué.  » «  C’est d’autant plus discriminatoire , estime Sylvette Uzan Chomat, du SNU-ANPE, qu’à partir du moment où ces personnes ont cotisé, elles ont droit aux allocations, qu’elles aient des papiers ou non.  » Tout comme est discriminatoire cet autre décret de novembre 2008 relatif à la préparation de l’intégration en France des étrangers souhaitant s’y installer durablement. Pour ceux-là, Pôle emploi devra communiquer à l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations les informations l’intéressant, parmi lesquelles le très personnel bilan de compétence. Un recours a été déposé par le Gisti.

La solution imposée par le ministère de l’Immigration au Pôle emploi, qui a intégré cette fonction à son système informatique, est particulièrement perverse. Sous couvert de faciliter les échanges de données, elle neutralise la résistance des employés en faisant de la machine, ou plus précisément de l’application, son auxiliaire. Ce genre de transfert automatisé existe dans le traitement des dossiers des RMIstes entre Caisse d’allocations, fisc et Pôle emploi. Il pourrait être appliqué aux allocataires du RMA, mais aussi aux transferts de certaines données vers les maires dans le cadre de la prévention de la délinquance. Et, finalement, à tout type de fichier contenant des données intéressant une autre administration. Un croisement de fichiers invisible, décrété au coup par coup sans informer la Cnil. Une sorte de Safari (1) qui passerait inaperçu.

(1) Projet de croisement de tous les fichiers administratifs, à la suite duquel la Cnil a vu le jour.

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