Un Paquet pas très net

Christine Tréguier  • 26 février 2009
Partager :

Revoilà le Paquet Télécom, un ensemble de directives européennes traitant de l’accès au service universel et de la vie privée dans la sphère des télécommunications. Et avec lui ces amendements cavaliers fourrés là par l’industrie pour faciliter l’européanisation forcée de la très française « riposte graduée » sanctionnant le téléchargement illégal. Après une première lecture qui avait donné lieu au vote par 88 % des eurodéputés du fameux amendement 138 [1], après la suppression de celui-ci par le Conseil de l’Europe à la demande insistante de Nicolas Sarkozy, les textes sont de retour devant la Commission, avant d’être soumis au vote du Parlement en avril. De nouveaux amendements inquiètent les opposants à la riposte graduée. Le Contrôleur européen de la protection des données, Peter Hustinx, semble lui aussi prendre cette affaire très au sérieux. Il vient de publier un avis, dans lequel il rappelle la Commission (et la France) à la nécessité d’un « équilibre soigneux » entre le droit à la vie privée et les droits des auteurs. Sa première objection porte sur « la surveillance large et systématique des usages individuels d’Internet, indépendamment de toute suspicion d’infraction au droit d’auteur, sur laquelle repose le mécanisme » imaginé par la France. Il fait remarquer que ces directives « sont loin d’être le cadre légal approprié pour réguler la propriété intellectuelle, et encore moins pour mettre en place de tels dispositifs », et demande à la Commission de réintroduire le « 138 ».

Sa seconde objection porte sur la question des « politiques de gestion de trafic » que les opérateurs souhaitent mettre dans le Paquet. Cette gestion consiste à restreindre le débit accordé à tel ou tel type d’échanges de données, gourmand en bande passante, pour éviter les surcharges du réseau. « De telles politiques, explique Hustinx, impliquent le recours à un mécanisme de reconnaissance des divers types de trafic » afin de répartir les ressources et donc, là encore, « l’interception et la surveillance » des usages privés. Un risque qui n’a pas échappé au collectif La Quadrature du Net, qui a repéré un discret amendement autorisant ladite « gestion de trafic » et du même coup la détection des échanges peer to peer et leur coupure éventuelle. Un autre amendement à une loi américaine confirme leurs craintes. Le sénateur Feinstein proposait en effet de recourir à la « gestion de trafic » pour débusquer… la pornographie enfantine et les infractions au droit d’auteur.

Le Contrôleur n’a certes pas le pouvoir de prescrire une quelconque modification. Mais son avis et la déclaration récente de la ministre de la Justice allemande, Brigitte Zypries, estimant qu’en Allemagne la riposte graduée serait « hautement problématique d’un point de vue à la fois constitutionnel et politique », donneront sans doute matière à réfléchir à nos députés qui doivent, courant mars, plancher sur le projet de loi Hadopi destiné à la mettre en œuvre.

Le dossier complet
Notes

[1] Le « 138 » réaffirme qu’aucune restriction aux droits et aux libertés fondamentales des internautes ne peut être imposée à ceux-ci sans décision judiciaire préalable.

Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don