Consommateurs : défense de se grouper

Christine Tréguier  • 26 mars 2009
Partager :

Promises par Jacques Chirac puis par Nicolas Sarkozy, les actions de groupe (AG, « class actions » en anglais), qui permettent depuis lurette aux consommateurs états-uniens de se grouper pour obtenir des indemnisations de la part d’entreprises peu scrupuleuses, ne sont pas pour demain. Ce ne sont pourtant pas les motifs qui manquent : amiante, antennes-relais, catastrophes industrielles, maladies liées aux poisons agrochimiques, ententes illicites, etc. Interrogé sur Arte sur le fait qu’on n’interdisait pas la commercialisation en France de canapés chinois allergisants, Luc Chatel, secrétaire d’État à la Consommation, a eu bien du mal à répondre : « C’est complexe, vous savez… », puis s’est défaussé sur l’Europe. On a compris une chose, c’est qu’il y avait d’un côté « les droits et la santé des consommateurs », de l’autre « la libre circulation des marchandises » et que la seconde prime sur les premiers.

L’amendement qui devait introduire cette procédure tant attendue dans la loi de modernisation de l’économie (LME), en juin dernier, a été retiré in extremis, car il était urgent de réfléchir pour « prévenir les éventuelles “dérives” de cette procédure ». Fadaises ! Luc Chatel avait déclaré peu avant que les garde-fous évitant les excès des class actions à l’américaine étaient « connus et fonctionn[aie]nt dans d’autres pays ». Du coup, l’Union française des consommateurs (UFC) et la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie s’étaient fâchées tout rouge de ce « troisième abandon législatif » et avaient évoqué « un blocage au plus haut niveau de l’État ». Blocage ayant à voir avec le Medef, très opposé aux AG. Les 41 associations du Bureau européen des unions de consommateurs n’ont pas eu plus de succès quand elles en ont appelé à Sarkozy pour faire avancer le dossier lors de sa présidence de l’Union. « Pour restaurer la confiance des citoyens dans l’Europe », avaient-elles dit. Las, cet argument aura été de peu de poids face aux influences des lobbies industriels. Aucune législation n’est prévue avant l’automne 2009 et le Livre vert.

Quant à la loi sur la dépénalisation du droit des affaires, où l’amendement supprimé devrait revenir, elle traîne. Un avant-projet a fuité, explique Cédric Musso, responsable des études à l’UFC, qui en pointe les lacunes : les affaires concernant la publicité, la formation ou les pratiques anticoncurrentielles ont été évacuées. Ces dernières « sont au cœur de nombreuses actions, et demandées par l’Europe » précise-t-il. Mais il y a mieux ; « une verrue », un machin à la française, dénature le mécanisme prévu l’an passé : une médiation judiciaire préalable au procès qui ferait appel à tout le mouvement consumériste (associations de consommateurs et entreprises). De quoi éloigner les AG les plus redoutables et tout risque d’indemnisation lourde qui pourrait grever la santé… des pauvres entreprises. Les Français pourraient donc attendre encore longtemps une vraie procédure d’action de groupe dissuadant entreprises et multinationales de prendre, comme disait Audiard, « les enfants du Bon dieu pour des canards sauvages ».

Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don