Ras le bol des hypocrisies sur la taxe carbone: oui elle est nécessaire, oui elle doit toucher tout le monde et non il ne faut pas la rembourser

Claude-Marie Vadrot  • 6 septembre 2009
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Bon, mettons les pieds dans le plat sans avoir peur des éclaboussures.

D’abord la gauche et la droite réunies dans la même démagogie ont réussi leur coup : par une magie médiatique concertée et déconcertante, la taxe carbone s’est transformée en « IMPOT », le mot épouvantail, le mot qui fait hurler. Une preuve ? Les deux sondages qui affirment depuis que plus des deux tiers des Français sondés sont contre. Les mêmes sans doute qui, dans d’autres sondages, juraient que pour la planète, contre les pollutions, pour la biodiversité et pour lutter contre les désordres climatiques étaient disposés à faire un effort, y compris financier. Histoire de rester politiquement corrects face aux sondeurs. Et si la France, d’une majorité de sa population à son personnel politique, était écolo, cela se saurait depuis longtemps…

Pourtant …

Tandis que les vendanges se déroulent déjà avec trois ou quatre semaines d’avance par rapport à leurs dates d’il y a cinquante ans, tandis que les vignerons alsaciens se demandent ce qu’ils vont faire des 2,5° en trop de leurs vins, tandis que tous les responsables d’AOC s’interrogent sur quelques hauteurs ils vont devoir déménager leurs ceps, tandis que les habitants de la Camargue se demandent comment ils vont vivre avec de l’eau plus salée et sans les flamants roses, tandis que des falaises s’effritent sous les coups de boutoirs de la mer, tandis que les évènements météos aberrant se multiplient, tandis que des sols se détériorent, tandis que les rivières se dessèchent et perdent irrémédiablement leur biodiversité, tandis que les nappes phréatiques s’épuisent, tandis que des millions d’arbres meurent sur le territoire français, tandis que de nouveaux insectes envahissent villes et campagnes, tandis que des oiseaux disparaissent, tandis que donc, la liste n’étant pas limitative, la température moyenne monte, les démagogues du PC, du PS et de toutes gauches unis avec ferveur avec les démagogues populistes de toutes les droites et du Medef flinguent la taxe carbone. Comme à l’ouverture de la chasse, ça tire dans tous les coins et sur n’importe quoi. Tandis que les banquises fondent aux pôles, que les cyclones et typhons se multiplient, que des millions de réfugiés climatiques se mettent en route, tandis que l’Afrique et l’Asie se désertifient, tandis que des cultures essentielles y disparaissent, et donc tandis que la planète s’échauffe ou se dérègle, monsieur François Fillon balance son aumône misérable de 14 euro la tonne à la face des nouveaux malheurs du monde.

Au PS, au PC et comme à l’UMP et au MEDEF on tire à vue sur la dissuasion climatique avec le sentiment que « les écologistes nous emmerdent », qu’il s’agit d’une simple mode et que tout finira par s’arranger dans le meilleur des mondes productivistes rappelant Allègre au pouvoir.

Avec ses 14 euros jetés avec mépris à la face de Gaïa, avec ses offres de compensations aussi ridicules que fumeuses, le premier ministre met la France hors-jeu pour la conférence de Copenhague de décembre sur le climat. Il est en bonne compagnie avec le Medef qui veut à la fois le beurre, l’argent du beurre et la cuisse de la crémière: la suppression de la taxe professionnelle, pas de taxe carbone et la sempiternelle « réduction des charges ».

Alors, il faut être clair. Si elle voit le jour…

D’abord, c ‘est évident, toute taxe carbone touchera moins les pauvres que les riches puisque ces derniers achètent et consomment plus. En commençant par le clim’ pour la villa de Neuilly. Mais dire seulement ça revient à botter en touche dans le camp des droites et des gauches.

Ensuite, à ma connaissance l’électricité est une énergie (même secondaire). Alors il est scandaleux qu’elle échappe à la taxe carbonne. Sauf s’il s’agit de faire plaisir à EDF. Cela évitera peut-être que les fameuses maisons-Boutin-Borloo bon marché soient chauffées…à l’électricité. Cela évitera peut-être que le BTP augmente ses bénéfices en n’installant que des chauffages électriques dans les nouveaux immeubles. Cela évitera peut-être que la France soit sous-développée en chauffage et électricité solaire tout comme en éoliennes. Et, par pitié, que l’on m’épargne le numéro « destruction des paysages ».

Ensuite encore, ce n’est peut-être pas politiquement correct de l’affirmer et même de le réclamer : oui, la taxe carbone qui est une incitation à acheter autre chose, à vivre progressivement autrement, doit toucher tout le monde. Sans exception. Sans cela, elle ne servira à rien d’autre qu’à amuser la galerie. De quelle utilité sera l’incitation, par exemple, à acheter un produit trop emballé si le mauvais geste est remboursé ? Il faut changer de société ; donc que les politiques et les bons apôtres arrêtent de se dissimuler derrière les  » pauvres « , les « banlieusards » et les « ruraux » pour ne rien faire et, donc, protéger les riches ; et les urbains. Si la classe politique se préoccupait de la partie la plus démunie de la population il n’y aurait pas 8 millions de gens vivant en dessous du minimum vital en France. Si elle se souciait des salariés qu’elle a exilés loin de leur travail, quand ils en ont, cela se saurait également. Alors que l’on arrête de nous emmerder avec ces fausses compassions. Que l’on arrête aussi de faire croire que la taxe ne vise ou ne doit viser que la carburant, le gaz et le fioul. Elle doit s’attaquer à tous les gaspillages. Borloo, avec sa « taxe pique nique », avait parfaitement, pour une fois, raison.

Oui, la taxe doit viser tout le monde et ne pas être remboursée. Sinon, où est la dissuasion, où est l’incitation à acheter ou à se comporter autrement ? Exemple : la majorité des Français utilisent des piles jetables…qu’ils jettent n’importe où ; est-il scandaleux de taxer ces piles pour que les gens fassent le petit effort d’utiliser des batteries rechargeables moins chères à l’usage à long terme et gaspillant moins de matière première ? Tout le jetable, des rasoirs à la vaisselle en plastique en passant par les mouchoirs et les emballages superflus doit être taxés.

Injuste la taxe ? Et la destruction de la planète, les pollutions, la diminution de la biodiversité, la montée des maladies environnementales, la migration des réfugiés climatiques, l’avancée du désert, les tempêtes, c’est juste ?

Autre taxe évidente : celle qui doit frapper toutes les industries et les systèmes de distribution qui gaspillent l’énergie et les matières premières. Une taxe, lourde, que la loi interdirait de répercuter sur les consommateurs. Une incitation également pour les industriels qui confondent l’écologie avec l’augmentation de leur profit et la rédaction annuelle d’un « rapport développement durable » sur papier glacé.

Seule l’addition de ces deux taxes, la première légère, la seconde plus importante, peut entraîner (dans le sens obliger à…) des comportements moins dangereux pour la planète. Tout le reste n’est que littérature de faux-culs.

J’attends de pied ferme les engueulades, mais je vais me défendre !

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