Le Syndrome du Titanic: Nicolas Hulot renvoie aux poubelles de l’histoire la ringardise esthétisante du film de Yann Arthus-Bertrand

Claude-Marie Vadrot  • 8 octobre 2009
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Au début de son film, Nicolas Hulot explique « Je ne suis pas né écolo, je le suis devenu ». Une phrase qui efface les quelques maladresses du texte qui suit, texte qui s’appuie sur des images saisissantes et parfois terrifiantes. Comme celles de Lagos, la capitale du Nigeria, où une partie de la ville vit dans un mélange d’ordures et de voitures. Un télescopage de la plus extrême pauvreté et de la copie du modèle occidental. Le même modèle pour tous, hélas, appuie le commentaire en expliquant qu’il existe pourtant des voies différentes pour atteindre le bien être. A condition que l’éducation soit privilégiée. Avec cette interrogation constamment répétée et surtout illustrée, de Hong-Kong à Detroit en passant par Paris ou Los Angeles : « où est le progrès quand tout est marchandise ? ». Comme le montre une séquence saisissante, entre tourisme et consommation, filmée en Namibie.
Le film n’apporte pas la réponse. Peut-être parce que l’auteur explique presque dés le début : « Je ne suis pas optimiste, je maintiens un espoir ». Il est vrai que les images sont souvent désespérantes. On est loin de la ringardise esthétisante de Yann Arthus-Bertrand qui ne regarde jamais les hommes ; on est loin aussi, même si elle fut plus efficace, de la lourde pédagogie du film d’Al Gore conjuguant jusqu’à la nausée le thème « moi et le climat ». Yann Arthus-Bertrand, dans un mode encore plus mineur, fait de même en contemplant son nombril et celui de la planète.
Pas étonnant que l’escrologiste du consortium Pinault ait reçu tant de louanges pour sa jolie bluette et que beaucoup de confrères fassent la moue sur le film de Hulot. Le premier présente le monde comme nous voulons absolument encore croire qu’il est, comme si les beautés des paysages « vues du ciel » pouvaient masquer les horreurs des destructions, des pénuries, des gaspillages et des pauvretés. Le second, ce qui peut paraître désespérant et sans analyse toujours directement perceptible, nous montre la terre telle qu’elle est. Ce qui devrait nous inciter à l’action et à la réaction plutôt qu’à nous barricader derrière des murs longuement décrits : celui qui isole les Palestiniens comme celui qui sépare le Mexique des Etats Unis.
Insister sur la misère du monde plutôt que ce qui lui reste de beauté, a pour avantage, d’autant plus que c’est clairement expliqué, de rappeler, de marteler que les combat pour l’écologie ne peuvent pas être séparée des combats contre les inégalités ; et que pour préserver, il faut partager. Résultat : même quand on sait tout cela, et encore plus quand on ne le sait pas ou que l’on veut l’oublier ou encore qu’on ne veut pas le savoir, on encaisse des coups de poings salutaires. Rien à voir avec les caresses dans le sens du poil prodiguées par Yann Arthus-Bertrand : le monde il est beau il est gentil et si vous faites un petit effort, on va s’en tirer.
Rien de tel dans le Syndrome du Titanic. Hulot, même si le propos est parfois trop elliptique, nous demande d’arrêter la musique et de regarder, de réfléchir. Avec cet avertissement tiré des images : « si nous ne changeons pas, la nature va procéder elle même à des ajustements et se seront les plus pauvres, au nord comme au sud, qui en souffriront les premiers ».
Avec une conclusion sur notre modèle qui mérite réflexion : « Peut-être avons nous trop bien réussi ».
Clairement, Nicolas Hulot n’est pas seulement devenu écolo, il est devenu politique et on se demande bien ce que lui répondent Jean-Louis Borloo ou Nicolas Sarkozy quand il leur raconte sa vision du monde…

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