Quand le président Sarkozy parle aux Eurostar au lieu de guérir les écrouelles en ses saintes provinces

Claude-Marie Vadrot  • 21 décembre 2009
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Il aura suffit d’un froncement de sourcils du Président pour que les premiers Eurostar recommencent à circuler, alors qu’ils étaient annoncés aux abonnés absents pour « plusieurs jours encore ». Délaissant provisoirement la guérison des écrouelles en ses lointaines province et le harcèlement de l’identité sarrasine des carême-prenant, son excellence a ordonné que ces trains repartent mardi : que sa volonté soit faite, ils ont repris, bien qu’à regret technique, le chemin de Londres. Le maître du monde a une fois de plus prouvé qu’il était le plus grand, le meilleur, le seul qui commande aux éléments et aux machines. Après avoir reçu le prince-président de la SNCF chapeau bas et craignant le pilori ou la roue, Nicolas 1er a donc immédiatement obtenu satisfaction. Il apparaît largement moins efficace pour les passagers quotidiens du RER A puisqu’il ne semble pas avoir exigé de la RATP le versement d’une bien modeste prime à ses salariés en grève depuis deux semaines. Il n’a pas, non plus, réussi à débloquer dans la nuit, la voie du RER C mise en veilleuse par un accident malencontreux. Les voyageurs de banlieue et de Paris, les manants quoi, ne méritent pas un tel miracle présidentiel. Il est vrai que ces trains du vulgaire ne transportent pas des Dominique Baudis et autres Claudia Schiffer. Et puis, Paris peut se couper de Choisy le Roi ou de Villeneuve le Roi, mais pas de Londres, la capitale présentée comme modèle par la droite parce qu’il parait que l’on y gagne plus d’argent quand on sait marcher sur la tête des autres.

Il est hautement regrettable mais compréhensible que notre président Rollex (marque déposée à l’Elysée), ait plus de considération pour les naufragés de la Manche que pour les oubliés de la banlieue et de la province. On ne se refait pas.

Il est hautement regrettable mais compréhensible que le président-écolo n’ai pas su avoir recours à ses talents magiques pendant les négociations climatiques de Copenhague pour convaincre ses camarades chefs d’Etat de ne pas relancer la planète sur une voie dangereuse.

Reste évidemment une autre question de fond : le degré de sophistication des systèmes de transport collectif (et d’autres…) qui ne supportent plus la moindre contrariété climatique ni le moindre accroc technique. Notre civilisation, dans ces transports comme dans la distribution de l’électricité dans le Sud-est, vit au rythme de la célèbre loi de Murphy. Traduction savante de la loi de l’emmerdement maximum qui fait qu’une tartine qui échappe des mains, tombe toujours du côté du beurre ou de la confiture. Ainsi évolue notre société hyper-technicisée à la merci du célèbre battement d’ailes de papillon. C’est cette société qui dévore de plus en plus d’énergie pour un rendement social et humain qui diminue.

Le gouvernement danois n’a pas réussi son sommet climatique mais le nombre considérable d’habitants de Copenhague qui circulent en bicyclette par tous les temps tend à montrer que des citoyens commencent à se simplifier la vie…

J’aurais au moins vu cela avant de retourner au Royaume de France, le pays des aveugles où les borgnes sont rois.

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