Canard Enchainé, Boutin, Blanc, Estrosi, Bachelot: petits profits et danger de populisme

Claude-Marie Vadrot  • 16 juin 2010
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N’en déplaise à mes confrères du Canard Enchaîné où j’ai longtemps travaillé, les petits mensonges et profits de Christine Boutin, les 12 000 euros de cigares de Christian Blanc, le prix des chambres des joueurs (enfin, si l’on peut dire joueurs…) de l’équipe de France, les privilèges de logement de Christian Estrosi, les nuits d’hôtel de Rama Yade, les voyages en avion privé d’un ministre, les petites grattes mesquines des chargés de mission, les avantages ou les voitures de fonction des uns et des autres, les retraites des parlementaires ou de Roselyne Bachelot, les petits bénéfices de tel ou telle ministre, les cumuls de Pierre, Paul ou Jacques me laissent parfaitement indifférents. Nous sommes là, les réactions de beaucoup de confrères tendent à le prouver, dans le poujadisme le plus vain et le plus dangereux ; et dans l’écume du populisme, celle qui fait le lit de l’extrême droite. En plein coeur de l’idéologie du « Tous Pourris » ou du « où va l’argent ? » qui faisaient les délices de la presse de l’avant guerre ; et tout le monde sait ou devrait se souvenir à quoi elle a mené. En donnant de l’importance à ses menus larcins, la presse et une partie de l’opinion publique préparent les autoritarismes d’un pouvoir en place qui feint la rigueur politique en s’appuyant sur de petits exemples : il faudrait être naïf pour croire que ce genre d’information parvient par hasard au Canard Enchaîné ! Le même hasard qui a conduit les notes de frais des parlementaires anglais vers la presse britannique. Une façon habile de déconsidérer le personnel politique au profit d’un pouvoir encore plus fort ; alors que les sommes en jeu sont dérisoires par rapport au budget du pays et n’expliquent en aucun cas les déficits et les complaisances du système économique et politique envers les puissances d’argent. Lesquelles, elles, se chiffrent par milliards d’euros. Tout le monde, ou presque, fait semblant de tout juger à la même échelle.

Tandis que les détails des frasques misérables des uns et des autres s’étalent dans les journaux, à la radio et à la télévision, les banques continuent à jouer avec ces milliards d’euros, les paradis fiscaux prospèrent et les entreprises du CAC 40 et les autres accumulent des profits qui ne sont pas de simples pourboires. A l’abri du remue-ménage populiste et démagogique soigneusement entretenu, le gouvernement bouleverse le système des retraites et réduit à néant les maigres aides aux plus démunis et ne règle pas la question du chômage. Depuis des mois, les journaux, alimentés par des sources officielles étalent également les petites (et supposées) escroqueries des uns des autres : au chômage, à la sécurité sociale, à la polygamie, à la retraite prématurée grâce au dispositifs des « carrières longues » ou aux congés maladie. En feignant de croire qu’il y a là une « explication » des déficits et que le système social coule sous les poids des « profiteurs ». En oubliant de préciser que ces fraudes alléguées représentent des sommes qui n’ont rien strictement à voir avec l’ampleur des déficits avancés. La chasse dérisoire aux « avantages » que s’attribuent quelques politiques, sert ou servira de prétexte à faire disparaître les quelques petits bonus et fragiles avantages acquits que des millions de salariés ont pu se constituer en mettant à profit les conventions collectives ou les luttes syndicales, ces petits compléments de salaires ou de vie qui permettent encore de résister à la crise ou d’en atténuer au moins provisoirement les effets. Nous ne sommes pas loin du moment, il suffit d’écouter les discours du Modef ou de l’UMP, pour que ce qui reste des RTT soit considéré comme une spoliation de l’économie du pays !

Donc, les mésaventures à quelques milliers d’euros de nos politiques, je m’en fous complètement parce que je suis persuadé que leurs expositions sur la place publique sert à masquer tout le reste, tous les milliards d’euros volés par les profits des entreprises. Y compris les 3 milliards généreusement attribués à ces patrons de restaurants qui n’ont jamais renvoyé l’ascenseur. Ce qui était aussi prévisible que la fantastique ponction qui va être réalisée sur le dos des salariés du privé et de la fonction publique par le biais de la réforme du régime des retraites.

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