La Russie plongée dans les flammes de l’enfer par ses dirigeants corrompus et ses popes

Claude-Marie Vadrot  • 9 août 2010
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Il aura fallu que la Russie brùle pour que la France, et plus largement une partie de l’Europe, s’aperçoive que ce pays n’est pas une démocratie ; et qu’il continue à se délabrer sans que la population profite de l’argent du gaz, du pétrole, de l’aluminium, de la bauxite, des diamants, de l’or et de nombreuses richesses vendues sans la moindre transformation. Ce qui entretient les fortunes des milliardaires russes qui s’amusent ensuite avec des journaux, des équipes de football avant d’acheter ou de construire des villas sur les rives du Lac Léman ou à Saint-Jean Cap Ferrat. Poutine, en emprisonnant un milliardaire en Sibérie, a fait croire à l’Occident qu’il avait mis un terme à la mise à sac du pays. En réalité, il a soit changé les bénéficiaires, soit tout simplement accepté leur allégeance.

Les causes des incendies qui ravagent une partie des deux milliards d’hectares de la forêt russe (23 % de la forêt du monde) relèvent évidemment de la canicule et de la sécheresse mais la catastrophe est aggravée, démultipliée, par l’état d’abandon du pays, par la disparition progressive de ce qui restait de la démocratie chaotique gérée par Boris Elstine. Il ne reste de cette démocratie qu’un village-Potemkine symbolisé par un parlement totalement aux ordres et peuplé d’hommes d’affaires qui trouvent qu’un siége de député peut justement faciliter les affaires. Une cinquantaine d’entre eux, au moins, membres du parti majoritaire, ont tout simplement acheté leur élection en distribuant des lopins de terre et de l’argent aux familles des électeurs. Les autres ont été désignés par le nouveau parti unique Russie Unie. Cette « formalité » réglée, ils habitent et travaillent à Moscou sans retourner dans leurs circonscriptions quand ils ne sont pas élus à la proportionnelle, ce qui les dispense de faire un peu de présence. La Douma n’est plus guère qu’un club où l’on fait des affaires à peine interrompue par le vote de quelques lois.

Des habitudes parfaitement illustrée par l’histoire du milliardaire Roman Abramovitch qui s’est fait élire gouverneur en distribuant des billets de 100 dollars de la Province de Tchoukotka (Sibérie Orientale) où il ne met jamais les pieds puisqu’il vit en Grande Bretagne où il est propriétaire de l’équipe de football de Chelsea. Les Boyards russes ne font même plus semblant de s’occuper de la population, comme vient de le montrer le richissime Iouri Loujkov, maire de Moscou depuis 1991 après avoir poussé à la démission Gavril Popov au bout de quelques mois, le seul démocrate jamais élu à la mairie de la capitale puisqu’une petite recherche historique permet de constater que Iouri Loujkov a été en permanence membre du Conseil municipal depuis ….1977. Cet apparatchik est rentré seulement hier de sa somptueuse résidence des bords de la mer Noire. La Russie est actuellement mise en coupe réglée par les anciens du Parti et par les Nouveaux Riches ; et se sont souvent les mêmes, puisqu’ils se sont aperçus que l’argent donnait infiniment plus de pouvoirs et d’impunité que l’idéologie. Parmi ces gens, y compris au Kremlin, personne n’a voulu écouter les quelques spécialistes et scientifiques qui, dés la mi-juillet, ont prévenu que l’extension prévisible de la sécheresse exigeaient des mesures de précautions préventives. Ordre a été donné à la presse de ne pas répercuter ces informations, une presse qui continue de diffuser des informations au compte-gouttes, surtout en province.

Si la Russie se révèle incapable de gérer une situation difficile, c’est donc que les riches et les hommes d’affaires qui l’exploitent ont fait disparaître depuis une dizaine d’années toutes les infrastructures publiques capables de faire face à une catastrophe qui poserait d’énormes problèmes à n’importe quel autre pays industrialisé. Environ 60 % de la flotte de camions anti-incendies capables de mener efficacement une lutte en forêt, datent de la fin des années 70 et sont plus des objets de collection que des engins efficaces. Des équipes de secours, se sont également rendus compte en partant lutter contre les incendies, que de nombreuses pistes forestières, non entretenue, avaient tout simplement disparu. Les informations qui circulent sur Internet ou celles qui me parviennent directement, rappellent aussi chaque jour davantage que des centaines de casernes rurales n’existent plus et que dans la moitié de celles qui n’ont pas été vendues ou détruites il n’existe plus de tuyaux utilisables. Sans oublier, corollaire logique, que sur les 17 millions de kilomètres carrés du territoire de la Russie, y compris en comptant ceux des villes, le nombre des pompiers professionnels est inférieur à celui de la France. Et les volontaires comme les militaires travaillent avec des pelles, des fourches et des seaux. Il n’est donc pas surprenant que 250 000 hectares soient en train de brûler, que les incendies sont en rapide extensions, qu’un million d’hectares ait déjà disparu et que les spécialistes capables de repérer et de suivre la progression souterraine des feux de tourbes ne soient pas assez nombreux. La plupart ont été licenciés au cours des dernières années en même temps qu’une trentaine de milliers de gardes-forestiers, puisque l’Etat s’est défaussé de la gestion forestière sur les gouverneurs et les organisations régionales corrompues. Les derniers « pisteurs de feux de tourbe » sont depuis quelques jours installés dans la périphérie de Moscou car les spécialistes craignent que les feux souterrains surgissent dans les parcs d’une ville dont le sous sol a été assez peu bouleversé au cours des siècles. De quoi accroître l’enfumage et l’enfument toxique de la capitale.

Pour comprendre ce qui se passe à Moscou et dans d’autres grandes villes hélas ignorées par le flot des nouvelles, pour mesurer les dangers courus par une population de plus en plus touché par des fumées toxiques, il faut savoir qu’après son « avènement » en 2000, le premier ministère supprimé définitivement par Vladimir Poutine a été celui de l’environnement qui avait été créé par Mikhaïl Gorbatchev et maintenu par Boris Eltsine. Tous les chiffres sur la pollution actuelle de la capitale et d’autres cités n’ont aucun sens puisque les statistiques environnementales ont disparu. Et à Moscou, en raison de l’énorme accroissement de la circulation automobile, des embouteilles permanents et des émanations industrielles, la pollution de fond, environ 250 jours par an, dépasse les normes humainement et scientifiquement acceptables. Mais les rares associations qui tentent de donner des chiffres sont fermées par le pouvoir ou leurs ordinateurs saisis. La même omerta règne évidemment sur les chiffres de la surmortalité engendrée par la canicule : rien pour que la capitale elle pourrait déjà dépasser, dans une population âgée et fragilisée par la sous ou mal nutrition, les 30 000 depuis le mois de juillet.

Actuellement l’air de Moscou (et probablement d’autres grandes cités) contient du monoxyde de carbone, des composés soufrés et nitrés, de la dioxine et des particules directement et immédiatement dangereuses pour les poumons. Mais les Moscovites n’auront droit à aucun chiffre : il parait que les ordinateurs qui moulinent les statistiques ont subi des « cyber-attaques » au cours des derniers jours, attaques qui rendraient toute diffusion d’information impossible. Vous avez dit bizarre ?

Reste qu’en raison d’une catastrophe naturelle aux conséquences fortement aggravées par la pire des incuries politiques et la pire des exploitations économiques jamais connues par leurs pays, la plupart des Russes sont en train de souffrir et beaucoup sont en train d’en mourir.

Une fois de plus j’ai mal à cette Russie que j’aime et lorsque je vois des popes organiser à travers tout le pays des processions de prières pour que tombe la pluie, je me demande si ce pays n’est pas devenu fou…

PS La France vient d'envoyer UN avion...J'espère que les autorités françaises ont pensé à y mettre de l'eau.
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