Les pauvres doivent avoir voix au chapitre !

« Comment devenir tous acteurs de la connaissance si une partie de la population vit dans une pauvreté extrême ? » se sont interrogés les participants du Forum Science et Démocratie le 4 et 5 février dernier. Thierry Viard, représentant du Mouvement international ATD Quart Monde, a proposé une ébauche de réponse à cette question incontournable.

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« Au Forum de Dakar il y a trois ans, je me suis opposé à la proposition dite de l’aide concertée parce que celle-ci est une perte de dignité pour les plus pauvres. Dans les bidonvilles où, souvent, il n’y a pas de latrines, l’éducation faite par les parents nécessite une énergie énorme. Pourtant, les assistants sociaux et infirmiers, inquiets par la mortalité, ne perçoivent pas souvent le savoir-faire des parents. Il faut vivre les conditions de vie des personnes dans les bidonvilles pour les comprendre. Nous ne devons pas devenir des bailleurs de fond » explique-t-il. Le déficit de contribution et de participation des « très pauvres » de la société ne facilite malheureusement pas leur appropriation du savoir. La solution résiderait dans le dialogue entre les deux parties, les parents et les assistants sociaux. De la compréhension mutuelle découlerait une action commune qui permettrait aux plus pauvres l’accès aux droits universels.

« Il ne faut pas reproduire les erreurs des Objectifs du Millénaire pour le Développement qui se font sans concertation avec les populations. Comment l’objectif de réduire la pauvreté de 50% d’ici à 2015 est-il recevable pour les 50% restants dont certains vivent sans rien ? Les plus démunis ont une perception aiguë des droits de l’Homme. La souffrance, la honte et le sentiment d’infériorité sont leurs malaises journaliers. Derrière chaque pauvre se cache un individu conscient. Il n’y a ni déterminisme ni fatalité à la misère. Des projets sociaux cohérents peuvent changer véritablement cet état de choses » ajoute Thierry Viard.

La question du rapport entre savoir et pauvreté est ici centrale. Trois types de savoirs existeraient vraisemblablement : le savoir académique dit dominant, le savoir des professionnels, c’est-à-dire celui des militants et des enseignants, et le savoir-faire des personnes en extrême pauvreté. « Le savoir-faire des plus pauvres est écrasé par les savants mais il est aussi étouffé par le savoir indirect des dominants qui ne vise pas l’émancipation de tous. Les pauvres doivent avoir voix au chapitre. Les individus doivent être libres par rapport aux savants, aux professionnels et aux dominants. Nous avons produit une charte de croisement des savoirs. Nous prônons l’autonomie » précise Thierry Viard. Les riches ne peuvent plus ignorer les pauvres écrivait Amartya Sen. A quand l’essor d’un monde plus humain ?

Céline Trégon

Temps de lecture : 2 minutes
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