« Minuit à Paris » (« Midnight in Paris ») de Woody Allen

Christophe Kantcheff  • 11 mai 2011
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« Minuit à Paris » (« Midnight in Paris ») de Woody Allen

Tout doux, tout doux, il démarre tout doux ce 64ème festival, avec le sempiternel Woody Allen cannois, Minuit à Paris , qui, cette année, fait l’ouverture de la sélection officielle, hors compétition, et qui sort en salles ce mercredi. Woody Allen, c’est comme un bon vieux copain qu’on retrouverait de temps en temps pour réentendre les mêmes bonnes vieilles histoires, réarrangées chaque fois différemment, et qui continueraient à nous faire sourire. À Cannes, l’an dernier, You will meet a tall dark Stranger était un de ses très bons crus.

Illustration - « Minuit à Paris » (« Midnight in Paris ») de Woody Allen

C’est souvent plaisant, ce qu’il raconte, Woody. Avec Minuit à Paris , par exemple, il dit que la nostalgie n’est certainement pas un sentiment qui rend heureux ni lucide sur soi-même. Inutile de regretter de n’avoir pas vécu une période du passé, d’en faire un âge d’or ; il est préférable de vivre au mieux dans le présent. Oui, ce n’est pas désagréable à entendre.

Et puis, elle est charmante son intrigue, avec ce jeune scénariste hollywoodien à succès, Gil (Owen Wilson) qui doute de la qualité du premier roman qu’il vient d’écrire, et qui, séjournant à Paris avec sa fiancée (Rachel McAdams) et ses beaux-parents antipathiques, va faire un voyage dans le temps et l’imaginaire, en rencontrant chaque nuit le Paris mythique des années 1920 : Hemingway, Fitzgerald et sa femme Zelda, Gertrude Stein, Picasso, Man Ray, ou une jeune costumière séduisante, Adriana (Marion Cotillard)… c’est-à-dire, l’époque dont il rêve.

Woody Allen joue sur le Paris chromo que viennent chercher les touristes mondialisés, notamment américains, et en même temps, le vieux renard, il en use et abuse, mettant de son côté ceux qui aiment vraiment ça. Les premiers plans du film ressemblent ainsi à une série de cartes postales du Paris kitsch et muséifié : la Tour Eiffel, la Concorde, la Place Vendôme, Notre-Dame… Son Paris se réduit aux arrondissements du centre et de l’ouest de la capitale, comme si un mur coupait Paris en deux, du nord au sud : à l’est, c’est les barbares ou l’URSS ! En tout cas, ce n’est plus Paris. Pourquoi ne pas avoir donner au film un titre plus exact : Midnight in half Paris ?

Quand Gil part dans son imaginaire, le spectateur assiste à un défilé de célébrités du Paris des années 1920, toutes plus ou moins rigolotes, chaque comédien essayant de ressembler au cliché du personnage qu’il interprète. Dans le genre, le meilleur est sans aucun doute Adrien Brody dans la peau de Dalì, parce que l’acteur, en une seule scène, dépasse la caricature, la transcende.

L’ennui, c’est qu’à côté de ça, ce qui se passe dans la période contemporaine — quand Gil revient au présent et à son hôtel, avec sa pâle fiancée qui commence à aller voir ailleurs tant Gil est absorbé — devient extrêmement fade. Ce qui contredit entièrement la morale de l’histoire : mieux vaut préférer ce que l’on vit plutôt que ce qu’on n’a pas vécu.

Illustration - « Minuit à Paris » (« Midnight in Paris ») de Woody Allen

Considérons donc ce Minuit à Paris comme un amuse-bouche spécialement conçu sans grande saveur, pour ne pas trop embarrasser les papilles gustatives et laisser la place aux films qui vont arriver. En espérant tout de même que le très fort en goût ne tardera pas trop.

Au fait : faut-il ajouter un mot sur la comédienne qui interprète une guide du musée Rodin et dont la rumeur dit qu’elle attend des jumeaux ? Trois courtes scènes, quatre répliques : en toute objectivité, ce n’est pas Anna Magnani…

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