Faut Pas Non Plus Exagérer: Après Tout, Stéphane Hessel N’A Été Qu’Un Tout Petit Peu Arrêté Par La Gestapo, Avant D’Être Un Tout Petit Peu Déporté

Sébastien Fontenelle  • 6 octobre 2011
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La dégueulasserie peut des fois mettre du temps à s’imposer pour ce qu’elle est – dit un vieux (mais juste) dicton berrichon.

Mais d’autres fois: non.

Illustration - Faut Pas Non Plus Exagérer: Après Tout, Stéphane Hessel N'A Été Qu'Un Tout Petit Peu Arrêté Par La Gestapo, Avant D'Être Un Tout Petit Peu Déporté

D’autres fois: l’hebdomadaire Marianne , connu pour ses intransigeances, met en ligne – comme ça, en passant -, la prose d’un «sociologue, politologue et historien des idées» [^2] qui s’est donné (cette fois-ci) pour mission de cracher d’abord que «loin d’avoir été une grande figure de la Résistance (et personne, bien entendu, ne saurait lui en tenir rigueur)» , Stéphane Hessel «a fait une modeste carrière de jeune résistant de bureau, qui a vécu à Londres de mai 1941 à la fin mars 1944» , puis d’ajouter, le doigt tout suant d’avoir si frénétiquement tapoté sur sa petite calculette, que «sa courte action dans la Résistance sur le sol français a duré trois mois et neuf jours, du début d’avril 1944 au 9 juillet 1944 (il fut arrêté par la Gestapo le 10 juillet)» , puis d’enfin répéter (pour qui n’aurait pas bien compris le sens général de son digne propos) que «son rôle dans la Résistance, que nul ne songe à nier, et qu’il convient bien sûr de saluer, a été fort modeste, ou si l’on veut, secondaire» .

(Soit une démonstration d’une exceptionnelle scintillance, d’où se déduit (notamment) que Gaulle, quant à lui, a tenu, «dans la Résistance» , un «rôle» dont la modestie fut carrément tertiaire – puisqu’aussi bien il a de son côté «vécu à Londres» (où il pouvait passer jusqu’à des plombes d’affilée dans son «bureau» , façon déserteur) de juin 1940 à juin 1944 (quatorze mois de plus que Stéphane Hessel, donc), sans la moindre petite «action dans la Résistance sur le sol français» – planqué, va.)

L’édifiant (disons comme ça), dans cet échantillon (si) représentatif d’une certaine manière de vivre et penser, tient (aussi) dans ce qui n’est pas dit: en limitant (par un procédé qui rappelle assez l’antique art soviétique du retouchage) son récit au constat que Stéphane Hessel «fut arrêté par la Gestapo le 10 juillet» 1944 – le truc est mentionné comme s’il s’agissait d’une péripétie presque anodine -, son auteur s’épargne d’avoir ensuite à mentionner – cela, sans doute, le montrerait dans sa vérité – qu’après cette arrestation par la Gestapo, Stéphane Hessel a été, d’abord, supplicié, puis déporté vers Buchenwald, puis vers Dora[^3].

Mais en même temps: le gars serait sot de s’interdire ces procédés – puisqu’il sait pouvoir compter que les mêmes empressés professeurs de maintien journaleux qui jamais ne s’interdisent de faire pour la postérité de crânes cours d’éthique lui feront briller le dégueulis.

[^2]: Ne lui manque plus que la fonction essorage pour être complètement polyvalent.

[^3]: Quel dommage, hein, que personne, alors, n’ait songé à dire à ses tortionnaires nazis – lesquels ne disposaient certes pas du résultat des puissantes cogitations d’un éminent sociologue & politologue fin de siècle – qu’il n’était qu’un petit bureaucrate londonien.

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