Arnaque au « Made in France » agricole et gastronomique, suite savoureuse pour le jour de l’An

Claude-Marie Vadrot  • 23 décembre 2011
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Si on vous en propose, surtout sur un marché étalant des monceaux de saucissons et autres jambons, méfiez vous de la charcuterie baptisée corse. Il parait que les viandes artificiellement brunies chimiquement et séchées en usines (pas forcement en Corse, d’ailleurs) représentent le fin du fin de la gastronomie offerte par le territoire français. Pourtant, attention : cette charcuterie corse ne bénéficie d’aucune « Appellations d’origine contrôlée ». Celles ci ne concernent qu’un fromage, le Brocciu, des vins et certaines huiles d’olive. Il y a toutes les chances pour que la viande de ces charcuteries proviennent des élevages en batterie des porcs bretons ou même de Chine comme en témoignent les statistiques d’importations du ministère de l’Agriculture. Fuyez donc, sur les marchés et dans les supermarchés les têtes de Maure et autres mentions « produit de l’île de Beauté » . Il en est souvent de même pour la « charcuterie d’Auvergne » ou celle supposée arriver en droite ligne de Savoie à en croire les étiquettes.

De même, le jambon d’Aoste qui a envahi les gondoles des grandes surfaces n’est que le sous produit d’une multinationale américaine. Ses filiales ramassent des carcasses de porcs dans tous les pays du monde (et en Bretagne) mais le résultat n’a rien à voir avec la charcuterie de la ville italienne d’Aoste dont elle n’a plus le droit de se réclamer après de nombreux procès et surtout l’intervention (en 2008) de la Commission européenne qui a mis fin à cette tromperie organisée par Cochonou et Justin Bridou, saloperies industrielles bien connues et passées sous coupe américaine. Elle a sauvé son appellation trompeuse en installant ses usines dans la commune d’Aoste qui se trouve en Isère ; et vend ses produits sous le nom de « Jambon Aoste ».

Toujours au rayon charcuterie, des produits en provenance de Bretagne disposent d’une « Appellation d’origine géographique contrôlée», appellation qui n’oblige les fabricants qu’à une seule chose: posséder au moins un lieu d’emballage ou de transformation légère en Bretagne. Cela vaut naturalisation ! Le consommateur trouvera donc sur les rayons des supermarchés des produits dont 82 % des matières premières proviennent du monde entier. Ainsi, les carcasses de porcs, souvent issues de Chine, de Hollande ou de Pologne, le sel dit de Guérande, importé d’Argentine et du Vietnam, et les boyaux d’andouilles importés pour la plupart de Corée. L’andouille dite de Guéménée, et autres charcuteries « De Bretagne », rejoignent ainsi la mythologie des produits bretons et proviennent souvent de la communauté Européenne et d’Asie.

Pas question d’en faire passer le goût douteux en les badigeonnant de »moutarde de Dijon puisque pour concocter ce produit, les fabricants ajoutent au vinaigre des graines qui proviennent en général du Canada. Donc cette moutarde n’a en général plus rien à voir avec Dijon.

Pour couper ces viandes improbables, inutile de compter sur le célèbre couteau « français » dit Laguiole. Une grande partie de ces engins relève de l’escroquerie d’origine puisque cette célèbre marque n’a jamais été déposée. Le Laguiole vient donc, dans 80% des cas de Chine et du Pakistan. Moins de 20 % Laguioles sont désormais fabriqués dans le bourg aveyronnais.

Autre curiosité : même si avec le pastis et la lavande, les savons de Marseille sont un symbole de la Provence, ils sont rarement fabriqués dans le sud-est de la France. Comme pour le couteau Laguiole, si les savonniers marseillais ont inventé le procédé de fabrication au Moyen-âge, l’appellation n’est pas protégée. Résultat : les plus gros fabricants sont aujourd’hui les Chinois et les Turcs ! Et les huiles végétales utilisées pour la fabrication De ce savon, notamment l’huile de palme, proviennent d’Indonésie. Les savons passant à Marseille uniquement pour être parfumés et emballés. Ce qui vaut également naturalisation. Comme le Jambon de Bayonne simplement salé et séché au Pays Basque…

Symbole de la gastronomie française, le camembert de Normandie est le fromage le plus copié des rayons des supermarchés. Explication à ce phénomène : tombé dans le domaine public, le nom « camembert » peut-être utilisé par n’importe quel producteur de n’importe quel pays. Et malgré une AOC « Camembert de Normandie », qui existe depuis 1983, de nombreux fabricants utilisent le terme très proche de « Camembert fabriqué en Normandie ». Les différences : du lait pasteurisé au lieu du lait cru, un affinage raccourci et une fabrication qui n’est soumise à aucune règle. Ils sont présentés comme les fleurons du terroir, mais quand on y regarde de plus près, on découvre que leur appellation est douteuse. Matières premières importées de l’étranger, (30 % du lait à fromages industriels vient de Chine) L’étiquetage des ces camemberts (comme pour la plupart des « fromages télé ») est souvent approximatif comme la mention des additifs. Et pour ce camembert comme pour d’autres fromages, les approximations d’origine se dissimulent derrière la bure de moines de fantaisie ou de paysans de pacotille. Ruses en général masquée grâce à l’implantation de vagues bureaux de courtiers dans le département « d’origine ». Il ne reste plus qu’à dire merci au « Président », le roi de l’arnaque fromagère peu goûteuse, celui qui vend des camemberts moulé à la louche…industrielle.

Rare et chère, l’huile d’olive française est certainement le produit qui compte le plus d’étiquetages frauduleux. En 2006, seulement 56% des échantillons analysés ont été déclarés « conformes » à la réglementation : certaines bouteilles contenaient jusqu’à 50% d’huile de tournesol ou souffraient une fausse indication d’origine ou de variété d’olive. Le symbole de la cuisine méditerranéenne ne comptant que 7 appellations d’origine protégée et une AOC « Huile de Provence », de nombreux producteurs jouent simplement sur la confusion en ajoutant sur les étiquettes des paysages évoquant le Sud ou des origines non reconnues comme « huile de Provence-Côte d’azur ».

Dernière arnaque évoquée dans le numéro de Politis actuellement en vente, les promesses affichées des plats cuisinés qui ne contiennent que 15 à 30 % de ce qu’annoncent les étiquettes. Comme les hachis Parmentier, les saucisses grillées ou les plats de crevettes dont on découvre en lisant les minuscules étiquettes qu’elles sont très pauvres en produits nobles et riches en flocons de pommes de terre. De plus il faut savoir que, comme pour les charcuteries, la mention « élaboré en France » signifie au mieux que le sel et le poivre ont été ajoutés sur notre territoire et que le reste peut venir de n’importe où…

Et n’oubliez pas que 85 % des champignons « de Paris » sont importés de l’étranger…ou encore, pour ceux qui sont à la montagne, que les confitures « locales » (et maison…) vendues à la sauvette ou dans certains boutiques sont tout simplement des confitures de supermarché dont les étiquettes ont été changées et dont le couvercle a été recouvert d’un joli tissu à carreaux rouges et blancs pour les vendre le double de ce qu’elles valent. Le Direction des fraudes détecte cette arnaque inusable aussi bien l’hiver que l’été.

Et, enfin n’abusez pas des « escargots de Bourgogne »: les quelques 16 000 tonnes que les Français engloutissent chaque année proviennent à 95 % de Turquie, d’Afrique, d’Ukraine ou d’Indonésie, quand ce sont des escargots; pour une simple et bonne raison: leur ramassage en France est très règlementé depuis une vingtaine d’années par un arrêté du ministère de l’Ecologie en application de la loi de 1976 sur la Protection de la nature.

Conclusion, évitez les arnaques (celles là et d’autres) et faites vous même la cuisine, ce n’est pas si long qu’on le croit ou le redoute.

Bon appétit quand même et joyeuses Pâques.

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