Alea non Acta est

Le calendrier de travail du Parlement européen pour le vote du traité « anticontrefaçon » liberticide Acta est maintenu. Les opposants au texte appellent à manifester le 9 juin.

Christine Tréguier  • 10 mai 2012
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En février, alors qu’on croyait Acta, le traité international anticontrefaçon, dans sa dernière ligne droite, la mécanique s’est brusquement enrayée. Un mois après que les négociateurs ont annoncé la signature du texte par 22 pays européens sur 27, les citoyens ont manifesté leur désaccord dans les rues, pointant du doigt un texte taillé sur mesure pour protéger la propriété intellectuelle au détriment des libertés des internautes (pour ce qui est des échanges de fichiers) ou des malades (pour la circulation des médicaments génériques). Cette levée de boucliers a provoqué le rétropédalage des gouvernements de neuf pays. Pologne, République tchèque, Lettonie, Slovaquie, Roumanie, Luxembourg, suivis par la Bulgarie, l’Allemagne et les Pays-Bas, ont annoncé que leurs parlements allaient prendre le temps d’étudier le texte avant de le ratifier. Certains estiment que si ce traité ne va pas au-delà des réglementations européennes, il est par conséquent inutile. D’autres craignent qu’il ne soit pas compatible avec les acquis européens et préfèrent attendre de voir ce que vont décider leurs voisins.

Pour court-circuiter ces résistances, la Commission européenne a informé fin février de son intention de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), afin de vérifier si l’Acta viole des droits fondamentaux. Elle a demandé, sans succès, au Parlement de faire de même, et suggère maintenant qu’il attende la décision de la CJUE pour voter. Les opposants dénoncent une manœuvre dilatoire. Pour eux, la Commission cherche à gagner du temps – le délai de réponse de la CJUE est estimé à dix-huit mois –  afin d’éviter que le Parlement européen ne signe l’arrêt de mort du traité en votant contre.

Le calendrier de travail du Parlement est pour l’instant maintenu, avec un vote attendu au plus tôt en juin. Quatre commissions – Libertés publiques (LIBE), Industrie (ITRE), Développement (DEVE), Affaires juridiques (JURI) – planchent sur le texte et fourniront leur rapport à la commission Commerce international (INTA) en charge du rapport final. Le projet de rapport ITRE n’est pas favorable, estimant que ce texte « semble contraire à l’ambition de faire de l’Europe le théâtre d’une innovation de pointe, ainsi que […] de promouvoir la neutralité du Net et l’accès des PME au marché numérique en ligne » .

L’avis très critique du Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) risque d’influer, entre autres, sur le rapport LIBE. Il pointe « des mesures de surveillance indifférenciée ou généralisée du comportement des utilisateurs d’Internet » disproportionnées et des mesures volontaires de coopération entraînant « un traitement de données à caractère personnel par les fournisseurs d’accès à Internet allant au-delà de ce que législation européenne autorise » . Le préprojet de rapport INTA publié par le rapporteur général du texte, David Martin, est lui aussi en faveur du rejet. Selon lui, « les bénéfices attendus de cet accord international sont largement inférieurs aux menaces qu’il fait peser sur les libertés civiles » .

Mais rien n’est joué, avertit la Quadrature du Net. Les lobbies pro-Acta sont à l’œuvre et l’organisation citoyenne incite chacun à convaincre son eurodéputé de voter contre. Une nouvelle journée de manifestation est prévue pour le 9 juin.

Plus d’info sur http://www.laquadrature.net Photo : AFP / Adam Berry / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images
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