« Gastronomie »: est il vraiment écologiquement correct de sauver la production des mauvais poulets Doux ?

Claude-Marie Vadrot  • 1 juin 2012
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Peut-être faut-il de temps à autre être politiquement incorrect. Au risque de choquer, la question que je me pose et que je pose aux lecteurs est la suivante : faut-il que la collectivité vole, d’une façon ou d’une autre, au secours d’un industriel du poulet qui organise depuis 1955, la production d’une viande de basse (euphémisme…) qualité et tient sous sa coupe, en les exploitant, prés de 1000 éleveurs de poulets de batterie dont les… « activités quotidiennes » empoisonnent (en nitrate, notamment) les rivières et les nappes phréatiques de Bretagne ? Je sais, il y a plusieurs centaines d’emplois en jeu : peut-être même 3400 si l’industriel de la malbouffe met la clé sous la porte dans tous ses centres de production français (il n’existe pas d’autre mot qui convienne mieux). Mais peut-on continuer à laisser fabriquer n’importe quoi dans n’importe quelles conditions, sans se poser des questions écologiques et sociales ?

Monsieur Charles Doux qui joue les martyr depuis Châteaulin dont il est le roi redouté, est un producteur français et mondialisé de poulets, de filets bas de gamme et de viandes enrobées et panés sous plastique dont les condiments masquent mal la médiocrité. Il est propriétaire de 80 % des actions d’un groupe fondé dans les années 50 et serait en déficit alors qu’il perçoit chaque année de 50 à 65 millions d’euros de subventions à l’exportation grâce à l’application de la Politique Agricole commune. Cela lui permet, par exemple, de vendre ses poulets congelés moins chers que les poulets locaux sur de nombreux marchés africains. Ce qui entraîne la ruine des petits éleveurs des pays concernés. L’inventeur du « Père Dodu » et autres cochonneries de cet acabit emploie donc 3400 personnes en France et 6000 au Brésil où il a délocalisé une partie de la production de ses 253 millions de poulets chimiquement et artificiellement nourris pour être maintenu en vie, notamment grâce à l’emploi d’antibiotiques, jusqu’au jour de l’abattage, six semaines au plus après la remise des poussins de quelques jours aux paysans éleveurs du début de cette chaîne de la bouffe.

Donc, faut-il sauver le « volailler » Doux qui non seulement écoule partout dans le monde des produits qui offensent le goût mais traite ses salariés comme des esclaves : chasse aux syndicalistes, harcèlement et mise à pied de ceux qui se rebellent, paiement au SMIC et travail (par 5°) dans des conditions si difficiles que l’on n’y compte plus dans ses usines, les accidents du travail et les arrêts maladie. Sans oublier les intérimaires et les CDD encore plus mal traités et plus mal payés. Ce qui peut faire passer son appel au secours et sa demande d’une aide de 20 millions avant la fin du mois de juin comme une astuce pour faire oublier les mauvais poulets et l’esclavage des salariés ; ou une prétexte pour délocaliser encore plus sa production, notamment vers des pays où les salaires versés seront encore inférieurs à ceux qu’ils versent à ses employé brésiliens.

Faut-il vraiment sauver les poulets de monsieur Doux et des requins de l’alimentaire qui guettent sa vraie ou sa fausse chute sous l’oeil intéressé de la banque BNP Paribas ? Il n’est pas seul gâteur de égout de l’agro-alimentaire mais mettre un terme à ce genre de production relève d’une entreprise de salut public. Il serait tout à fait « normal » que cette forme d’aliments commence à disparaître des rayons des supermarchés et que le ministre de l’Agriculture se penche sur ce type de production.

Car comme l’explique Yannick Jadot, le député européen Vert, dans un communiqué: « le poulet Doux a vraiment un goût amer…. »

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