La résistance pour sauver la forêt amazonienne mal protégée

Au sommet des peuples, la révolte gronde et s’exprime pour contester le nouveau code forestier du Brésil

Claude-Marie Vadrot  • 17 juin 2012
Partager :

Le Sommet des Peuples qui a ouvert ses tentes et ses stands le 15 juin a commencé samedi en fanfare en faisant entendre puissamment ses voix discordantes pour contester frontalement la récente décision de la présidente brésilienne Dilma Rousseff de n’opposer qu’un veto partiel au nouveau code forestier voté par les parlementaires en avril dernier. Après de très longues discussions et négociations précédant de quelques jours la Conférence, malgré l’opposition de la ministre de l’environnement, de nombreuses dispositions souhaitées par les lobbies forestier et agricoles, vont faciliter le mitage de la forêt amazonienne restent en vigueur. Les ONG et les représentants de la société civile brésilienne ont immédiatement affirmé, après ces demi mesures qui soulignent les difficultés de la présidente face à des élus que n’intéressent guère l’écologie, que les articles restant étaient suffisamment vagues pour autoriser toutes les interprétations. D’autant plus que de nombreux parlementaires originaires des zones rurales souhaitent officiellement, l’ouverture de nouveaux espaces agricoles ou miniers et que la déforestation puisse se poursuivre. Après la fin de Rio + 20, reprendra peut-être, sans garantie de résultats, l’attention internationale s’étant détournée, une discussion parlementaire difficile que la présidente n’est pas assurée de remporter, le veto étant une arme politique à double tranchant pour son éventuelle réélection en 2014.


Des intervenants déterminés face à une salle survoltée demandent l'annulation du code forestier brésilien


Samedi, l’amphithéâtre central du sommet parallèle a donc résonné des imprécations de tous les Brésiliens, appuyés par d’autres latino-américains, qui veulent « sauver le poumon de la planète, notre poumon, notre espoir de vie, l’espoir d’enrayer la dégradation de la nature » . Contrairement aux négociations officielles où le mot « nature » devient un gros mot, ces militants inquiets pour l’avenir de la biodiversité : la leur et celle de la planète. Donc, ils s’inquiètent pour l’avenir des 5, 5 millions de kilomètres carrés d’une forêt qui a perdu l’équivalent de la superficie de la France au cours des dix dernières années : plus de 550 000 kilomètres carrés. Une forêt dont un peu plus de 60% appartiennent au Brésil, mais qui s’étend également au Pérou (15 %), en Equateur, en Colombie, au Vénézuéla et en Guyane. Immensité transnationale qui explique la présence de nombreux représentants de ces pays à un réunion-meeting qui a vigoureusement condamné la politique forestière et écologique de la présidente et de son parti. Avec de nombreux appels à ne plus jamais voter pour elle et les formations politiques qui la soutiennent plus ou moins et surtout quand il s’agit « d’exploiter les ressources naturelle » ou de construire de nouveaux barrages rebaptisés, question de mode et de « nov’langue » économico-sociale, « réaménagement de bassins fluviaux et des systèmes écologiques ».

Les intervenants ont souligné, de façon souvent incantatoire et ovationnés par deux milles personnes, la nécessité de sauver toutes les espèces vivantes et pas seulement l’espèce humaine « qui ne régnerait plus, peut-être avant de disparaître, que sur une planète simplifiée et désertés par les autres formes de vie. Nous devons avoir en mémoire que la disparitions des arbres, des plantes, des mammifères, des oiseaux et de la microfaune ou des insectes n’est pas un luxe mais un rempart contre l’appauvrissement des hommes, à commencer bien sur par les Peuples Premiers mais également ceux qui sont les plus démunis. La guerre organisée contre la forêt est une guerre menée contre tous les hommes. Nous devons donc nous y opposer » .

Un thème qui a rebondit au Brésil grâce à la tenue de la conférence Rio + 20, mais qui est essentiellement porté par les citadins, beaucoup de ruraux restant attachés aux projets de déforestation pour des raisons de perspectives d’emplois. Ce qui peut d’autant plus se comprendre que de nombreux élus ruraux s’affirment en faveur du nouveau code forestier, même amputé : à la fois également pour réduire le chômage mais aussi parce que tous les projets qui tournent autour de la déforestation, de l’aménagement de la forêt et des nouvelles extractions sont souvent liés à la corruption qui affecte une part de ses élus et une autre part des administrations locales ou régionales.

D’où la fureur des militants de tous âges réunis samedi, militants qui vont poursuivre leur bataille jusqu’à la fin de la Conférence, mais craignent le silence qui suivra le départ des délégations et des 50 000 personnes installées provisoirement à Rio.

Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don