Rio: les associations environnementalistes se fâchent mais ratent leur sortie…

Que vaut et que représente désormais un mouvement associatif international trop intégré à l’ONU et trop professionnalisé et à la recherche d’un consensus introuvable ?

Claude-Marie Vadrot  • 22 juin 2012
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Jeudi matin les représentants de quelques grandes associations internationales associées depuis longtemps aux travaux des Nations Unies, même si leurs rapports sont parfois difficiles, ont expliqué aux journalistes qu’ils étaient en colère et déçus par les décisions de la Conférence de Rio qui devaient être adoptées vendredi aujourd’hui par consensus sans que nul Etat n’ait réussi à en changer les aspects les plus contestables. Les portes paroles d’ONG comme WWF, Greenpeace ou Oxfam ont donc vigoureusement dénoncé les  » trahisons » des résolutions, qu’il s’agisse de l’économie verte, de la gouvernance, de la biodiversité, des océans, de la fiscalité internationale ou du traitement de la pauvreté. C’est à qui aurait, chacun dans sa spécialité, les mots les plus durs ou les plus menaçants. Un vrai festival de plainte et de récriminations face à un parterre médiatique submergée de mauvaises nouvelles décrites ou chiffrées.

Et puis, rien ou pas grand chose, pas de proposition ou de geste symbolique. Alors que beaucoup de militants plus proches de la base, le réclamaient, les ténors de la contestation n’ont pas renversé la table ni annoncé qu’ils quittaient la conférence où leur statut leur permet de s’exprimer et de faire pression. Ils ont simplement affirmé qu’ils allaient « mobiliser » et faire pression pour que, plus tard, les bonnes décisions soient prises. Le même refrain que l’ONU : plus tard…Ce que les uns et les autres répètent à peu prés tous les ans. Demain on protège gratis…

Ce mauvais sketch joué hier à Rio a une première explication : la lecture des 40 pages du document final fait apparaître que la société civile, c’est à dire les grandes associations, serait plus étroitement intégrée dans les processus de décision, quasiment considérées comme des agences des Nations Unies à statut particulier. Une « intégration » que ces « majors » ne peuvent ni ne veulent remettre en question par crainte de perdre une force de pression déjà fragile. Définitivement « embedded » dans la machine onusienne, ces grands mouvements veulent sauvegarder leurs petits pouvoirs naissants, sans se rendre compte (au moins semble-t-il) qu’ils se font l’instrument du consensus mou qui gouverne les Nations Unies et leurs réunions. Donc, elles tapent sur la table, tonnent mais rentrent vite dans les rangs pour continuer à faire partie du club.

La deuxiéme explication, tout à fait complémentaire, est aussi simple : les responsables internationaux de ces multinationales de la contestation, sont devenus pour la plupart du temps étonnamment semblables aux haut fonctionnaires et au diplomates qu’ils côtoient depuis des années. Ils adoptent donc de plus en plus, sauf pour faire un numéro médiatique, le ton, les manières, les prudences et souvent les costumes de ceux qu’ils affirment combattre. Ce n’est pas de la malhonnêteté, encore moins de la corruption. Juste du mimétisme. Lequel les conduit à devenir eux aussi des fonctionnaires. Des fonctionnaires de la contestation dont la légitimité et la représentativité peuvent sérieusement être mise en doute. Des experts contre d’autres experts : jamais la ressemblance entre le pouvoir et le contre-pouvoir n’est apparu avec une telle évidence qu’avant pendant cette conférence de Rio transformée en bal des hypocrites.

Cette situation, ces dérives qui apparaissent de plus en plus insupportables aux militants ou aux adhérents, posent clairement la question de la représentativité de ces ONG qu’en France nous appelons associations. Car cette représentativité est d’autant plus aléatoire que, sur le territoire français comme au niveau international, les responsables associatifs qui « négocient », la plupart du temps sans mandat mais seulement armés de leurs certitudes et de leurs prudences, travaillent avec un personnel certes très qualifié, mais qui ne rend plus de compte à la base, laquelle n’est convoquée que de temps à autre pour manifester ou verser une cotisation. Les grandes associations ne sont pas inutiles, elles ne commettent aucun « forfaiture » mais elles ne se rendent pas compte qu’elles sont phagocytées par ce qu’il est convenu d’appeler la « communauté internationale ».

En regardant jeudi ces grands fonctionnaires associatifs dont la sincérité est sans doute grande, s’agiter dans la toile qui les emprisonne et les paralyse, il était possible de comprendre que, comme les Nations Unies, leur système est à bout de souffle ; et que les écologistes et les environnementaliste devront rapidement en trouver un autre plus proche des écosystèmes démocratiques et de la vie. Sous peine de succomber sous les poids de la respectabilité, notables impuissants parmi d’autres notables impuissants…

Favela Santa Teresa - Combien de délégués se sont risqué dans les ruelles des favelas où l'on ne risque plus rien ?

Illustration - Rio: les associations environnementalistes se fâchent mais ratent leur sortie...

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