Hadopi, l’autorité qui fait pschitttt !
Tout ça pour ça ! Deux ans et deux mois de mises en jambes, de pseudo-statistiques encourageantes sur la baisse du téléchargement illégal, 11 millions d’euros de budget, fois deux, des millions d’avertissements envoyés pour faire trembler dans les chaumières connectées et, au final, le 13 septembre dernier, un pauvre quidam belfortais de 40 ans condamné à… 150 euros d’amende.
Même pas pour avoir téléchargé l’intégrale de Juliette Gréco ou de Madonna. Non, juste sur dénonciation de TMP – la boîte de Thierry Lhermitte qui empoche la rente du suivi à la trace IP des contrevenants – pour deux petites chansons de Rihanna récupérées par sa femme (lire le récit détaillé sur le blog de Korben). Le quidam est accusé de « défaut de sécurisation de son accès Internet » , ou si vous préférez de « négligence caractérisée ».
Internet se gondole de rire, et tout le monde s’interroge. Tant d’effets de manche et de dépenses pour condamner un innocent à payer 1 000 balles :
1/ nous ridiculise aux yeux du monde, à qui Sarko voulait faire adopter sa solution miracle contre le piratage ;
2/ confirme que ladite solution n’a rien de miracle ;
3/ incite les partageux à continuer de partager : 150 euros ou une licence globale de 15 euros/mois, c’est kif-kif. La seule différence est que l’argent ne va aux artistes que dans le second cas ;
4/ tombe pile poil au moment où le comité-de-réflexion-sur-l’acte-II-de-l’exception-culturelle et les ministères discutent de l’avenir de l’Hadopi. Mais laisse songeur quant à l’équité d’une riposte graduée où l’amende remplacerait la coupure d’ADSL. N’oublions pas que la vocation de cet acte II est, entre autres, de remettre à plat l’Hadopi et de décider de la suite. Le comité l’affiche sur son site, il s’agit de « soutenir la création et la diversité à l’heure du numérique ».
On pourrait donc ajouter un cinquième point : cette condamnation laisse augurer du naufrage rapide d’une haute autorité dont les filets à grosses mailles (facturés à prix d’or) n’attrapent que du fretin et s’avèrent incapables d’endiguer la marée des téléchargements. Et ce n’est pas la fusion évoquée Hadopi/CSA/Arcep and Co qui va alléger le bateau, bien au contraire.Conclusion, il va bien falloir que le comité Lescure se décide à aborder le vrai sujet : la définition d’un nouveau droit d’auteur vraiment destiné à favoriser la distribution numérique et le financement de la création culturelle. Ce que réclament les anti-Hadopi et anti-Acta comme la Quadrature du Net, qui ont eu (temporairement) la peau de l’accord commercial anti-contrefaçon. Le gouvernement en place s’honorerait et marquerait l’histoire du XXIe siècle en ayant le courage politique d’engager enfin cette réforme profonde et en la propulsant au niveau européen. Chiche !
Addenda :
Le 25 septembre, La Quadrature du net, l’UFC Que Choisir et le Samup
(Syndicat des artistes, musiciens, chanteurs, danseurs et enseignants)
ont annoncé qu’ils boycottaient la Commission Lescure.
Pour tout savoir sur les raisons de cette décision
« Pourquoi nous ne participerons pas à la mission Lescure »
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