Libres et heureux voyageurs

Christine Tréguier  • 25 octobre 2012
Partager :
Libres et heureux voyageurs

Qui a eu cette idée folle un jour d’inventer les transports publics payants ? L’école ne l’est pas, les rues non plus, et pourtant elles coûtent. Alors pourquoi pas, dans la même logique, concevoir des bus et des métros gratuits ? C’est l’expérience que réalise la communauté d’agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Étoile (103 000 habitants, 12 communes) depuis mai 2009. 

Premier constat : c’est une réussite sur tous les plans – social, économique, écologique et humain. La preuve en quelques chiffres : la fréquentation sur les 11 lignes de bus est en hausse de 150 % (en payant, si hausse il y a, elle est au mieux de 2 % annuels), 10 % de trafic automobile en moins (soit -5% de gaz à effet de serre). L’arsenal – humains et machineries – de contrôle ne coûte plus rien, et il n’y a eu aucune augmentation d’impôts. C’est le « versement transport » des entreprises – un dispositif légal à disposition des collectivités – qui finance le développement présent et futur des réseaux.

Résultat net : le coût transport/habitant est divisé mécaniquement par deux (du fait de l’augmentation de trafic), et le gain en pouvoir d’achat pour les habitants va jusqu’à 60 euros/mois. Les conducteurs sont désormais des employés heureux de faire leur boulot. Idem pour ceux assignés au nettoyage et au « détagage ». Les villages les plus éloignées des centres-villes sont désenclavés grâce aux navettes fréquentes. Et la jeunesse – désargentée et souvent ghettoisée – se précipite dans les bus pour sortir et se réapproprier sa ville. Tout cela sans coercition et sans caméras de surveillance. D’autres effets positifs sont visibles et constatables par tous : les dégradations sont rares, les agressions aussi, et les « incivilités » cèdent la place à la convivialité. Finis les regards mauvais, les tensions entre passagers payants et fraudeurs, la crainte du contrôleur.  Tous sont égaux, même ceux qui n’ont pas un fifrelin en poche. 

-Ce qu’en dit la Mairie d’Aubagne=2012&txttnews[month]=09&txttnews[day]=01&txttnews[ttnews]=1052&cHash=25c19138ae67a29d0af929ee0ffb1666]

-La Présentation du livre sur le site de l’éditeur

-Ce qu’en dit le blog e_pagine

Pour le maire d’Aubagne, «   aucune mesure de politique de la ville n’a eu une telle efficacité   » . Magali Giovannangeli (présidente de la communauté d’agglo) et Jean-Louis Sagot-Duvauroux (philosophe), coauteurs du livre Voyageurs sans ticket [^2] , racontent cette expérience peu commune, «   cette alternative [qui] sort une fonction sociale du rapport marchand   » . Une initiative réalisable au niveau local et national. Les bénéfices sont immédiatement constatés et profitent à la communauté d’agglo et aux municipalités engagées, aux employés de la régie de transport et à tous les habitants. Enfin, le processus est irréversible. Personne n’acceptera après ça de revenir au payant. 

Pour Jean-Louis Sagot-Duvauroux, c’est là l’autre succès de l’opération. Il y a de quoi faire cogiter « la gauche » qui peine à trouver des mesures concrètes pour améliorer la vie des gens, croit encore aux vertus du tout-marchand, ou rêve d’un impayable Smic à 1 700 euros. Et si, pour changer, on donnait des tickets gratuits à tous les portillons ? 

[^2]: Voyageurs sans ticket : Liberté, égalité, gratuité, une expérience sociale à Aubagne, Magali Giovannangeli et Jean-Louis Sagot-Duvauroux, éd. Au Diable Vauvert.

Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don