Du « Hollande bashing » (5) …

… et de ses raisons (les miennes).

Bernard Langlois  • 5 octobre 2013
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Pour en finir avec cette tentative d’explication des raisons que peut avoir un citoyen (qui se considère de gauche) et électeur (au second tour, et même sans illusion !) de l’actuel président de la République, d’en fustiger avec autant de constance la politique.

(Et prenons en considération, au passage, ce terme d’ “éreintement” que nous propose un lecteur pour traduire le “ bashing ” en vigueur et à la mode; il s’agit bien de cela en effet.)

Ereintement de Hollande, donc. Et si je personnalise à ce point, c’est que dans un système institutionnel qui relève davantage d’une monarchie élective que d’une république digne de ce nom,

Illustration - Du « Hollande bashing » (5) …

où il se love avec une volupté manifeste [^2], tout procède du locataire de l’Elysée : charges et faveurs, promotions et bannissements, orientations politiques et gestion ordinaire des affaires, et jusqu’à l’engagement du pays dans la guerre (car tel est notre bon plaisir) …

Jupin, de son Olympe, tranche de toutet réduit le rôle de Premier ministre à la fonction d’un super directeur de cabinet et celui de ses ministres à celles de simples exécutants plus ou moins doués, plus ou moins disciplinés, qu’il convient de féliciter ou de gourmander en Maître sévère mais juste (ne disons rien du Parlement, ce serait désobligeant …) [^3] : ce déni de démocratie n’est pas une spécificité hollandaise, c’est la Constitution qui le fonde [^4] ; mais ne pouvait-on attendre d’un «président normal» , se revendiquant en outre d’une conviction social-démocrate (qui ne s’est jamais incarnée chez nous) qu’il s’efforce de remédier à une situation si perverse ?

Une horreur.

Où se perd dans les sables la notion même de citoyenneté, qui nous transforme tous en sujets plus ou moins résignés et transmue les assemblées délibératives en Cour empressée à complaire au monarque.

On est donc fondé de s’en prendre frontalement à cet homme qui a cherché, voulu (avec passion) et finalement gagné le trône contre tous ses rivaux.

Or si Hollande tranche de tout (et en a les moyens légaux), son tempérament louvoyeur, son goût du clair obscur, son inclination à ménager la chèvre et le chou, donne au peuple qui l’observe l’impression qu’il ne tranche de rien, qu’il n’a pas de ligne directrice, de “vision” à proposer aux Français.

Quelle est la politique de François Hollande ?

Il nous en avait proposé une lors d’une campagne électorale dont le temps fort restera ce discours du Bourget, où le candidat renouait avec la grande tradition du socialisme de tribune [^5] , dont on sait depuis lurette ce qu’il a de factice, mais qui donne encore parfois envie d’y croire.

Mais quelles promesses ont-elles été tenues ? Quelles orientations assumées ? A-t-on, par exemple, réorienté la politique européenne (ce carcan) en renégociant le traité de Lisbonne ? Avez-vous noté que s’applique désormais cette fameuse taxe à 75 % des revenus supérieurs à un million d’euros par an ? Est-on en train de démanteler Fessenheim ? A-t-on engagé, en quoi que ce soit, le commencement d’un début de politique écologiste (deux ministres au tapis en un an et demi, pour mémoire …) ? Le droit de vote des étrangers a-t-il progressé d’un iota ? Les ouvriers de Florange ont-ils quelque raison de danser une joyeuse carmagnole autour de leurs hauts-fourneaux éteints ? La politique carcérale est-elle moins attentatoire aux droits de l’homme qu’avant son accession au pouvoir ? Les cadeaux faits aux entreprises, dont les actionnaires ont certes toutes raisons de se féliciter, font-ils reculer le chômage ailleurs que dans les discours ? La sécurité de l’espace public est-elle mieux assurée (et pas qu’à Marseille !) depuis les coups de menton quasi-quotidiens de son ministre aux dents longues, cet homme avec qui (selon son épouse) « de très nombreuses femmes rêvent de coucher » [^6] ? Est-il moins dur d’être « sans » (sans toit, sans travail, sans revenu) depuis que le sieur Hollande siège à l’Elysée ? La situation d’un Rom est-elle plus enviable qu’avant ?

On pourrait continuer sans fin.

Allez, Hollande, je t’accorde le mariage des homosexuels (pardon : « pour tous » , ah, la com’ !) et encore ! Campagne flamboyante, c’est vrai, avec Taubira à l’Assemblée … mais ambiguë dans ton auguste bouche (la « clause de conscience » …), ouvrant la voie à toutes les contestations des élus locaux réticents et réussissant d’un coup d’un seul à faire surgir une opposition bigote, genre Tea Party … Boston sur la pelouse des Invalides, avec une égérie frappadingue dont les Versaillais en loden ne voudraient surtout pas pour bru !

Avez-vous vu qu’on s’attaque à TINA, ce petit nom de la politique libérale version Thatcher-Reagan révisée Merkel ? Avez-vous senti qu’on s’éloigne un tant soit peu de cette vieille lubie d’un « retour de la croissance » , de cette attente d’une « reprise » qui pourrait s’appeler Godot ? Avez-vous senti souffler le vent d’un quelconque renouveau conceptuel, pourtant ébauché depuis des lustres par tant de penseurs et de défricheurs du futur (je pense à René Dumont, à André Gorz, à Jacques Robin, à Edgar Morin, à Patrick Viveret, pour s’en tenir aux Français …) ?

Allons donc ! Toujours les vieilles recettes défraîchies, dans les vieux pots (je sais, c’est là qu’on est censé faire les meilleures soupes, mais la meilleure politique ? …) rouillés ; toujours la com’, la com’, la com’ en lieu et place de la parole vraie, avec les déjà vieux disciples du gourou fripé à Rolex ; toujours l’éternel copinage et les potes de promo aux postes clés [^7] ; et toujours ce vrai mépris des gens simples, des gens vraiment de gauche sans qui pourtant il ne serait pas là où il est.

Serrer les louches, oui , il sait faire, à la bonne école corrézienne ; mais déjà le regard ailleurs.

Voilà pourquoi le bashing , l’éreintage, l’étrillage — d’un point de vue de gauche — va de soi ; qu’il constitue une sorte d’hygiène mentale.

Il n’y a plus grand monde, dans notre camp (je veux dire : dans ceux qui aspirent au changement, à une plus grande justice sociale) qui font crédit à ce monsieur de l’Elysée. Quelques dévots, encore, qui — comme le disait un Twitter, « se régalent d’une affreuse piquette pourvu qu’on la leur serve dans une bouteille de grand cru ! » .

Il y a enfin, pour qui aurait encore quelque illusion, ce lamentable fiasco sur la scène mondiale, où le Tartarin de Tulle qui voulait « punir Assad » s’est retrouvé Gros Jean comme devant, roulé dans la farine par Obama et Poutine, les vrais puissants, qui n’ont rien à faire de cette mouche du coche pour faire avancer leur char du condominium bilatéral.

François Hollande n’est nullement ce “mou” que décrit la droite. Il a fait la preuve d’une vraie volonté politique, d’une ténacité remarquable pour conquérir le pouvoir en France. C’est un politicien madré, intelligent ; mais sans autre projet que d’occuper le pouvoir le plus longtemps possible.

Quant à voir en lui un homme d’Etat … Et un homme d’Etat de gauche …

Comme disait l’autre : rigolam ! *(Fin) ***

[^2]: On a vu avec quel empressement il s’est rendu au raout du Conseil constitutionnel parmi les ex de tous bords venus célébrer l’anniversaire de la Constitution …

[^3]: Et, comme sur la sacrée montagne grecque, dieux et demi-dieux se chamaillaient en permanence, nous assistons, simples mortels, au spectacle des rivalités de nos Excellences : oh, ministres intègres …

[^4]: Une Constitution taillée sur mesure en des temps troublés pour un héros national retraité, mais rappelé sur le pavois pour éviter la guerre civile, on pouvait alors, pour un temps, en accepter l’extravagance.

[^5]: Oh, comme je préfère l’honnêteté d’un Jospin, reconnaissant franchement que « (s)on programme n’est pas socialiste » …

[^6]: Oh, mes Princes, gardez-vous de vos conjointes …

[^7]: Circonstance aggravante, Hollande a fait deux écoles : ENA et HEC, ça fait de la ressource humaine …

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