Voeux ESS 2014 ?

C’est paraît-il le temps de vœux !
Mais pour qui manque de « piété », les signes du réel assignent à cet exercice formel certaines limites.
Il y a bien sûr le vœu, présent dans presque toutes les « cartes » de l’ESS, de voir une loi si longtemps espérée aboutir dans son parcours parlementaire.
_ Mais, autour de cette loi il semble que le plaisir, l’enthousiasme n’est plus tout à fait là.

Jean-Philippe Milesy  • 7 janvier 2014
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Il y a d’abord une question de temps. Figurant au titre des « priorités » du candidat élu, confirmée par la création d’un Ministère dédié et qui plus est à Bercy, revendication si longtemps portée par les acteurs de l’ESS, la loi est annoncée dès l’été 2012. La concertation s’ouvre, le CESE est saisi fin 2012 et rend son avis en février 2013. L’attente est forte. Mais de nombreux reports et l’annonce de six mois entre l’adoption au Sénat en novembre 2013 du projet de loi présenté en juillet 3013, et sa discussion devant l’Assemblée nationale, prévue en avril 2014 sont de nature à modérer les enthousiasmes.

Il y a ensuite des éléments de fond. Chacun reconnaît des avancées dans ce texte (nous en avons fait une analyse dans ce blog (voir notre article)), apprécie l’engagement de Benoît Hamon et des acteurs de l’ESS associés au processus. Pour autant ’idée même ESS dans ses dimensions transformatrices, n’est guère portée, au-delà des discours par le gouvernement dans son ensemble et paradoxalement semble même se dégrader, notamment dans le champ mutualiste en butte à une hostile « indifférence » difficilement compréhensible.

Je voudrais m’attarder sur certaines questions relatives au concept central de la loi

Le grand mot de la Loi Hamon est celui de la « reconnaissance » de l’ESS qu’elle apporterait.

C’est, en premier lieu, peu juste. C’est oublier que cette reconnaissance était acquise de la part des pouvoirs publics depuis un certain temps. Il faut rendre justice à Michel Rocard, d’abord Ministre en charge du plan, puis premier Ministre d’avoir fait des pas essentiels. C’est lui qui a créé une Délégation réellement interministérielle, suivie même un Secrétariat d’Etat auprès du Premier ministre de 1984 à 1986. Ce qui est vrai alors c’est que les grands acteurs de l’ESS n’ont pas vraiment su saisir alors cette opportunité, pas plus qu’il n’avaient réellement intégré la dynamique proposée par les Desroche, Vienney et autres dans les années 70. Il y a toujours eu une situation ambigüe dans les rapports entre ESS et pouvoirs publics, nationaux et territoriaux, dispute entre autonomie revendiquée et instrumentalisation acceptée, notamment dans le mouvement associatif. Pour prendre un exemple l’utilité sociale, l’intérêt général, peuvent être définis comme cherche à le faire la Loi Hamon, mais ils doivent avant tout se prouver et être partagés.

Ensuite ce n’est pas tout à fait pertinent. Si les acteurs mutualistes, coopérateurs et associatifs paraissent dans leur ensemble réunis derrière le concept même d’Economie sociale, peuvent-il durablement refuser de voir les différences, pour ne pas dire les divergences en leur sein.
_ La querelle sur le périmètre (sur laquelle nous revenons dans ce blog), pertinente à bien des égards, cache mal la réalité de situations intenables au sein même de l’agrégat statutaire auquel tout le monde se réfère. Entre des salariés en lutte pour leur emploi à travers une SCOP et des capitalistes usant des statuts coopératifs pour accroître leurs part de marché et leurs dividendes, entre des structures mutualistes se battant pour le droit à la santé et des banques banalisées aux pratiques prédatrices, qui et que va-t-on reconnaître ?

Les mots fondateurs d’égalité, de démocratie, de solidarité, de non-lucrativité, les dynamiques sociales et le mouvement sociétal, sont- ils effectivement partagés par tous au sein du périmètre originel de l’Economie sociale et solidaire ?

La notion même d’entreprendre autrement, dans une démocratie renouvelée, dans de nouveaux rapports sociaux, de nouvelles approches écologistes est-elle admise par tous les acteurs actuels de l’ESS ? L’essence politique et culturelle de transformation collective qui a nourri ses fondateurs, la personne humaine dans ses fragilités mais aussi ses richesses, sa créativité et sa soif d’autonomie, sont-elles encore au cœur de l’action et des projets de celle-ci ?

S’il fallait formulé un vœu, un seul, c’est que tous les acteurs de l’ESS puissent se rassembler sur ces fondamentaux et puissent faire entendre leur voix différente et porteuse d’espoir autrement qu’à partir des récits, fussent-ils vrais et poignants d’action désespérées d’action ponctuelles de réparation des drames d’une société souffrant des prédations de la (cotre) révolution libérale.

C’est d’une ESS de changement social dont nous avons besoin.
C’est mon vœu en espérant qu’il soit le moins « pieux » possible.

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