France : l’agitation en politique ne suffit pas à en combler les vides

Quelques soubresauts pour secouer la torpeur d’un rentrée politique morose. Une révolte de ministres, un changement de gouvernement. Il n’en fallait pas plus pour que le microcosme médiatique ne frémisse et monte au créneau. Mais depuis quand l’agitation en politique suffit-elle à en combler les vides ?

Le Yéti  • 27 août 2014
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France : l’agitation en politique ne suffit pas à en combler les vides

Vue générale du gouvernement Valls II (photo : AFP-Fred Dufour)

Car enfin, à y bien regarder, rien dans ces clapotis qui soit de nature à changer quoi que ce soit au triste cap tracé par les premiers ministres successifs. Ou plutôt scrupuleusement SUIVI par les intéressés, car il est clair depuis longtemps que ceux-ci ne font que répercuter avec plus ou moins de servilité les strictes consignes venues de Bruxelles et du FMI .

Les gouvernements se suivent et se ressemblent désespérément

On ne peut s’empêcher de penser que ces sautes d’humeur de ministres prétendument contrariés viennent tout de même bien tard pour qu’on n’y sente pas les effluves d’un opportunisme de circonstances , contraint par des vents contraires qu’on sent monter en puissance. Et un calendrier électoral pressant.

Si Cécile Duflot fut la première à se dégager du guêpier gouvernemental « socialiste », on n’oubliera pas qu’elle accepta en son temps sans ciller un portefeuille ministériel au prix d’un contrat de gouvernement dans lequel son parti lâchait à peu près tout de ses exigences écologiques. Et si d’aventure quelqu’un a un exemplaire d’un projet politique un tant soit peu structuré et exaltant d’EELV, je suis preneur.

Quant à Arnaud Montebourg, ses constantes volte-face tiennent plus de la pitrerie d’un spectacle vétilleux que de l’intégrité politique. On remarquera — ô hasard — que sa saillie outragée à l’origine de la démission du gouvernement Valls I ne précédait que de quelques jours la parution d’une biographie au titre évocateur : « Montebourg, moi président » , par le journaliste Valentin Spitz, édition de l’Archipel, sortie le 10 septembre. Aux dernières nouvelles, cette biographie n’avait rien d’interdite par l’intéressé.

On ne s’attardera pas sur la composition du gouvernement Valls II. Sinon pour remarquer que le président Hollande, ex-ennemi déclaré de la finance crapuleuse, y accepta sans moufter la nomination comme ministre de l’économie d’un banquier d’affaire de la banque Rothschild, un inconnu dénommé Macron, membre de surcroît d’un think tank interlope appelé Bilderberg .

À un tel niveau de caricature et d’hypocrisie, on reste sidérés. Qui peut croire un instant que le grand public adhère à ces pantomimes ? Il est à craindre que celui-ci s’en foute comme de sa première chemise, uniquement préoccupé par sa survie immédiate, laissant le cercle restreint d’initiés éclairés se masturber à l’envi sur ce non-événement.

Jean-Luc Mélenchon ne « parle » pas aux gens

En parallèle de ce carnaval pitoyable se tenait à Grenoble le Remue-méninges du Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon. Ceux-là ont au moins l’intérêt de présenter un programme de gouvernement qui se tienne — « L’Humain d’abord » — même s’ils durent mettre beaucoup d’eau communiste dans leur vin de gauche (flou sur le nucléaire, augmentation du Smic préférée à la création d’un revenu d’existence, fidélité à la monnaie unique…). Exit, espérons-le, le PCF dont l’unique objectif n’est plus que de sauver ses vieux meubles. Reste à fédérer la foule des électeurs.

Le problème est que Jean-Luc Mélenchon est certainement un bretteur redoutable contre les médias mainstream (il a bien raison), un tribun prompt à enflammer le parterre des militants (il en faut), mais qu’il ne sait pas parler aux gens. Et que de fait, il ne leur « parle » pas. Je veux dire que les électeurs-lambda ne se reconnaissent pas suffisamment en lui, qu’il n’incarne pas suffisamment leurs préoccupations, leurs idéaux, leurs désirs pour qu’ils se mettent à voter pour lui ou ses partisans .

De Gaulle savait à merveille dépasser les partis, contourner le mur des journalistes pour exalter la ferveur populaire. Et quand aujourd’hui une Marine Le Pen est interviewée par Pujadas, ce n’est pas à Pujadas qu’elle répond, c’est aux téléspectateurs dont elle incarne les préoccupations, les peurs et les phobies, hélas pour le pire.

En revanche, quand Jean-Luc Mélenchon est interrogé par Bourdin ou Cohen sur France Inter, c’est à ces deux-là qu’il s’adresse exclusivement. De même son discours de clôture du Remue-méninges, fort intéressant par ailleurs, établit-il une connivence avec les seuls militants présents. Le citoyen-lambda ne peut en être, lui, que le spectateur passif au point de s’en sentir exclu.


Remue-méninges du PG, discours de clôture de JL Mélenchon

Tant que ne sera pas comblé le vide entre l’expression de gauche et les citoyens, les résultats électoraux ne suivront pas . Tant que la gauche ne se trouvera pas de représentants capables de parler D’ABORD à une majorité d’électeurs, d’incarner leurs préoccupations dans le sens noble du terme, alors la solution à la crise actuelle, forcément politique, viendra d’autant moins des urnes.

Lire > Chute de l’empire néolibéral : la salut ne viendra pas des urnes

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