Ukraine: le bilan humain équivalent à celui de Gaza ne choque guère l’opinion. Pas plus que les soldats russes sur le territoire ukrainien.

Claude-Marie Vadrot  • 28 août 2014
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Alors que les 2000 morts provoqués par les bombardements et les incursions israéliennes dans la bande de Gaza, provoquent, à très juste titre, les indignations et protestations les dégâts entrainés par le conflit entre l’Ukraine, les séparatistes pro-russes et la Russie n’entrainent que de molles déclaration qui concernent plus Poutine que les victimes. Pourtant, depuis trois mois, les affrontements et les bombardements aveugles des uns et des autres ont entrainé au moins 2600 morts. Auxquels il faut ajouter les enlèvements, des assassinats et les disparitions « non- expliquées » comme on le dit pudiquement à Donetsk. Et sans oublier non plus les victimes civiles de l’avion de la Malaysian Airlines. Un accident, c’est-à-dire une erreur d’objectif, dont ni les séparatistes ni la Russie ne se donnent désormais la peine de rejeter la responsabilité envers l’armée ukrainienne. Et c’est bien discrétement que le pouvoir russe se défend de l’arrivée d’armes nouvelles et de blindés à travers la frontière séparant les deux pays; une frontière que les « forces spéciales » franchissent régulièrement « par erreur »…Ce que leur permet le contrôle d’au moins deux petites communes frontalières et ukrainiennes par où s’inntroduisent des centaines de soldats, des chars, des porte-missiles et des équipements lourds. Mais les défenseurs de Vladimir Poutine vont sans doute expliquer sur les sites conspirationnistes, que les images publiées ont été truquées par la CIA ou l’OTAN et que la mort des soldats russes n’est que virtuelle…

Ce que les Nations Unies nomment un « conflit de basse intensité », continue donc à gangréner et à déstabiliser un pays indépendant plus grand que la France, ne suscitant que des protestations ennuyées ou polies en Europe où les diplomates se demandent comment « enterrer » un Etat de droit tout en faisant les gros yeux au Kremlin. Alors que l’Ukraine a su organiser une élection présidentielle honnête et démocratique et s’apprête à faire de même pour les législatives; quoi que l’on puisse penser des résultat;, ils reflètent et reflèteront la volonté des électeurs. Des échéances électorales auxquelles les séparatistes ne répondent que par le boycott. Et aussi par la violence et la répression exercées quotidiennement envers ceux qui veulent rester ukrainiens ou souhaitent simplement vivre dans une Ukraine plus fédérale.

Si Vladimir Poutine, dont les milieux d’affaires, les banques, les importateurs et les oligarques redoutent les effets d’une rétorsion économique bien bénigne, met officiellement et pour la galerie, de l’eau dans son vin, la vague nationaliste (et religieuse) qu’il a suscité en Russie continue a submerger son pays et de faire des dégâts dans l’opinion publique. En renforçant le pouvoir du nouveau tsar. Au point que ses rares opposants, d’ailleurs bien divisés et sans programmes alternatifs, sont muselés et interdits de présence dans les médias. La nouvelle loi en préparation sur le contrôle d’internet risque de renforcer ce contrôle étroit de l’expression publique et plusieurs associations de défense des Droits de l’Homme ont encore subi des perquisitions au cours des dernières semaines. Ils peinent de plus en plus à décrire la situation économiquement et politiquement chaotique qui règne dans une Crimée qui n’aura pas eu le droit de se déterminer par un scrutin honnête et internationalement contrôlé.

Quant aux éditorialistes russes et aux bonnes âmes européennes qui dénoncent le « fascisme » ou le « nazisme » du nouveau pouvoir ukrainien, ils ne se posent guère de questions sur le renfort politique que les pro-russes reçoivent des formations d’extrême-droite de France et d’autres nations européennes. Pas plus qu’ils ne s’interrogent sur la participation des Cosaques ou sur l’arrivée de mercenaires proches de groupuscules fascisants aux côtés des combattants des enclaves séparatistes.

Résultat dérisoire de cette situation : le fromage, les vins ou les fruits et légumes français boycottés par la Russie font la fortune des oligarques qui les importent désormais clandestinement et les revendent à Moscou et à Saint-Petersbourg à prix d’or.

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