Sarkozy renie l’écologique « principe de précaution »: soulagement de la droite et joie mal dissimulée d’un partie de la gauche

Claude-Marie Vadrot  • 29 septembre 2014
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« …Et je voudrais revenir sur la question du principe de précaution. Proposer sa suppression au motif qu’il bride l’action repose sur une profonde incompréhension. Le principe de précaution n’est pas un principe d’inaction. Au contraire, c’est un principe d’action et d’expertise pour réduire l’incertitude. Le principe de précaution n’est pas un principe d’interdiction. Au contraire, c’est un principe de vigilance et de transparence » .

Cette phrase a été prononcée par Nicolas Sarkozy lors de son discours du Grenelle de l’Environnement en 2007. Preuve que l’amnésie est la maladie politique la plus courante puisqu’au cours de son intervention devant les militants UMP du vendredi 26 septembre il a fermement condamné ce « principe » en même temps qu’il préconisait l’exploitation des gaz de schiste.

Cette intervention représente une douce vengeance pour l’ancienne majorité de droite qui, unissant ses efforts à une partie de la gauche conservatrice et productiviste, a désespérément tenté d’empêcher le président de la République de l’époque, d’inclure le « principe de précaution » dans la Constitution. Il aura fallu plus d’une année à Jacques Chirac pour réussir à violer le consentement de tout ce que la France compte comme scientifiques et parlementaires rétrogrades considérant l’écologie comme un gadget ou comme un danger. Il est possible de se demander, d’ailleurs, si ce président de la République ne l’a pas considéré malicieusement ou inconsciemment comme une bombe à retardement qui pouvait exploser à tout moment entre les mains de ses successeurs.

Ce qui explique l’acharnement, hier et aujourd’hui, de la droite et la méfiance d’une partie de la gauche, contre un texte qui n’est pas anodin puisqu’il fait partie de la Constitution depuis mars 2005. Il faut le relire pour comprendre l’acharnement des groupes de pression qui tentent encore aujourd’hui d’en limiter ses conséquences, voire d’en réclamer le reniement. Dangereux principe : les citoyens peuvent désormais s’en emparer pour contester une loi qui ne prendrait pas les précautions nécessaires à la sauvegarde de l’avenir. De Jacques Attali aux vieux barbons de l’Académie des sciences en passant par les amis de Claude Allègre et de beaucoup de socialistes, y compris Jean-Luc Mélenchon qui a fustigé ce principe à l’Assemblée nationale le 27 mai 2004, ils ont été nombreux à protester et à tenter de convaincre les parlementaires et le Président de ne pas accepter….l’idée d’une certaine Nathalie Kosciusko-Morizet qui la défendit ensuite devant les députés.

Dans ce texte adossé à la Constitution on peut notamment lire

Le peuple français, considérant :
Que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l’émergence de l’humanité ;
Que l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ;
Que l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains ;
Que l’homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ;
Que la diversité biologique, l’épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles ;
Que la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ;
Qu’afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins.

Suivent une dizaine de paragraphes dont l’article 5 qui précise…

Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage .

Depuis quelques mois, les parlementaires de l’opposition, à l’Assemblée Nationale comme au Sénat, sont repartis à l’offensive pour réclamer la suppression de cet article 5. Problème : il faut pour cela faire une réforme constitutionnelle…

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