Les agriculteurs étranglés par la grande distribution qu’il faudrait boycotter

Claude-Marie Vadrot  • 23 octobre 2014
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En créant une nouvelle centrale d’achat qui regroupe les principaux majors de la grande distribution, cette dernière est farouchement décidée à faire baisser les prix des produits alimentaires. Sans la moindre baisse sur leurs marges confortables alors que, conséquences de la crise et de la nouvelle méfiance grandissante des consommateurs, la fréquentation des super et hyper marchés est en très net recul depuis quelques années.

La méthode utilisée est simple : contraindre les agriculteurs et les petites et moyennes entreprises de la conserve et des (mauvais) plats cuisinés à baisser –eux- leurs prix. Tous les moyens sont bons pour atteindre cet objectif, y compris et surtout, la menace de supprimer leurs produits des rayons. Cela s’appelle dans le langage de la grande distribution : supprimer leurs référencements. Ils menacent aussi de les mettre sur les étagères du haut dans les supermarchés ou menacer d’importer les produits frais de régions et pays en général mal identifiés. Ce qui explique, aux rayons charcuterie ou viande, que soient de plus en plus fréquemment affichées les mentions « élaboré en France » , le mot France étant écrit en caractères énormes et le mot « élaboré » en lettres minuscules. L’astuce consiste à faire venir les viandes de n’importe où et de faire une « préparation » minimale en France.

La même méthode est utilisé, par exemple, pour une partie des Jambons « de Bayonne » , des saucissons « d’Auvergne » ou de la charcuterie « Corse » en se bornant à saler ou à poivrer ces charcuteries après les avoir venir des « usines à cochon » de Bretagne ou d’ailleurs. Ne reste plus ensuite qu’à les baptiser « produits locaux » avec l’indication « Indication Géographique Protégée » (IGP), « escroquerie » parfaitement légale au regard de la règlementation européenne. Il suffit de mettre un peu de condiments sur les produits « au pays » pour rester dans la légalité !

Pour préserver leurs profits, les grandes surfaces, ont donc résolu d’étrangler les petites entreprises régionales de produits alimentaires et les agriculteurs. Ce n’est pas en déversant des navets et des poireaux devant les préfectures qu’ils gagneront un bras de fer qui se poursuit et s’aggrave depuis des années. Ils devraient plutôt se demander pourquoi, dans toute la France, les paysans bio n’ont aucun mal à écouler, y compris en circuits courts ou par les Amap (1), leurs productions (légumes, fruits, fromages et viandes) à des prix qui leur permettent de vivre tout en s’adaptant au pouvoir d’achat des consommateurs. Alors que trop d’agriculteurs « classiques » vont être des plus en plus réduits à ne même plus gagner le SMIC, voire à demander le RSA pour survivre. Sans oublier le geste suprême qu’est le suicide.

Mais on peut supposer que la grande distribution, les caciques de la FNSEA, qui comme leur président spéculent sur les céréales, et le gouvernement, sont implicitement d’accord pour réduire encore le nombre des agriculteurs. D’ailleurs ce gouvernement a expliqué qu’il ne combattrait que les « abus » de la grande distribution…

(1)Voir le reportage sur les Amap en Ile de France dans le Politis 1324 de cette semaine.

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