UKRAINE: le Kremlin et les séparatistes refusent les législatives dans l’Est: une faute, une stupidité et un déni de démocratie

Claude-Marie Vadrot  • 24 octobre 2014
Partager :

La démocratie, même imparfaite, n’est décidément pas la tasse de thé (ou de vodka) du pouvoir russe et des « rebelles » de l’Est ukrainien : ni les soldats du Kremlin encore présents dans quelques villes orientales de l’Ukraine et sur la frontière, ni les tenants de l’indépendance ou de l’autonomie ne vont laisser les citoyens de ces régions (2, 5 millions sur 45 millions d’habitants) participer au vote pour les législatives. Une attitude qui arrange beaucoup les bandes armées qui continuent à racketter et à terroriser la population de l’Est de l’Ukraine au nom de l’indépendance ou du rattachement à la Russie. La même délinquance maffieuse se poursuit d’ailleurs dans plusieurs centres urbains de Crimée occupée, tandis que les Tatars s’y voient de plus en plus discriminés et harcelés : notamment par les bandes de Cosaques dont les propos racistes sont encore plus violents que ceux d’une partie des Russes.

Il y aura sans doute à nouveau de bonnes âmes pour justifier le refus de la démocratie, comme il y en eut pour nier la présence des armes et des forces russes pour donner un coup de main aux séparatistes ukrainiens n’ayant guère de soutien populaire. Alors que les responsables du Comité des mères de soldats de Russie ont fait savoir à de nombreuses reprises que les corps de plusieurs centaines de jeunes soldats russes avaient été discrètement rapatriés et enterrés en Russie. Pour avoir donné et prouvé, comme d’autres femmes et sa présidente Valentina Melnikova, ces informations une des responsables (Lioudmila Bogatenkova) de cette association (créée en 1989) a été récemment arrêtée et emprisonné plusieurs jours dans la région de Stavropol en dépit de ses 73 ans. Vue la poursuite des affrontements qui font des victimes de part et d’autres malgré le cessez le feu, l’arrivée des cercueils n’est pas sur le point de s’arrêter en Russie… Mais l’essentiel pour Moscou est que, même artificiellement, la plaie ukrainienne reste ouverte.

Il faudra m’expliquer, en dehors des délires habituels sur l’OTAN, le fascisme, le nazisme, la CIA, la « main » des Etats-Unis et autres « complots », pourquoi voter constitue un danger pour la démocratie et la vie d’un pays, et au nom de quoi on peut refuser de se soumettre au verdict des urnes. C’est aux ukrainiens, à tous les Ukrainiens, que revient le droit ou le devoir de faire des choix, de virer les corrupteurs et de marginaliser l’extrême-droite et ni pas aux « rebelles », ni à Vladimir Poutine ni aux Européens.

Ce refus de laisser voter n’est qu’un aveu d’extrême faiblesse et aussi une façon commode de « faire disparaitre » l’opinion de ceux des Ukrainiens de l’Est qui ne souhaitent pas se séparer de leur pays. Même s’ils sont minoritaires, une partie a quitté la région pour Kiev ou l’Ouest du pays pour fuir la répression, ils ont droit à la parole. Après tout, la plupart des scrutins organisés en Ukraine depuis une vingtaine d’années, ont vu la victoire des nationalistes de langue russe dans les provinces d l’Est ukrainien. Ils ont même porté au pouvoir plusieurs présidents ou Premier ministre.

Refuser de laisser tous les Ukrainiens voter, c’est aussi, et peut-être surtout, ouvrir une voie royale aux quelques centaines d’extrémistes ultranationalistes qui, à la mi-octobre, ont tenté de prendre d’assaut le Parlement à Kiev. Sans que l’on sache, d’ailleurs d’où sortaient ces nervis masqués, armés de barres de fer et de pavés et illustrant «miraculeusement » les sempiternelles accusations des rebelles et du Kremlin sur l’Ukraine repaire de fascistes…

Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don