Comment Poutine est en train de gagner sa partie de poker face à l’Occident

C’est à Gérard Araud, ambassadeur français aux États-Unis, que l’on doit la comparaison de la confrontation géopolitique opposant l’Occident à la Russie avec une partie de poker. Partie que Vladimir Poutine pourrait bien être en passe de gagner.

Le Yéti  • 3 novembre 2014
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Comment Poutine est en train de gagner sa partie de poker face à l’Occident
Le discours prononcé le 24 octobre 2014 par Vladimir Poutine devant le club Valdaï est intégralement {{[retranscrit ici->http://sayed7asan.blogspot.fr/2014/10/vladimir-poutine-sur-le-nouvel-ordre.html]}}.

Illustration - Comment Poutine est en train de gagner sa partie de poker face à l'Occident

Le président Poutine, expliqua en substance l’ambassadeur français lors d’un déjeuner de presse organisé par le groupe financier US Bloomberg à Washington, a imposé à l’Occident de jouer une partie de poker en Ukraine. Et Gérard Araud de conclure devant son parterre d’auditeurs éberlués : « Poutine a gagné. »

En fait de partie de poker, Gérard Araud aurait tout aussi bien pu évoquer un véritable tournoi, tant les tables de jeu tendent à se multiplier aux quatre coins de la planète. En Ukraine certes, mais aussi en Amérique latine, en Asie et même de Russie où Poutine délivre ses flèches contre un vieil ordre mondial en pleine débandade.

1. Les camouflets subis par l’Union européenne en Ukraine

En Ukraine, les États-Unis et leurs alliés de l’Union européenne vont de déconvenues en déconvenues. Derniers exemples en date :

-* Les élections législatives ukrainiennes anticipées se sont surtout soldées par une victoire… de l’abstention (47,6 %), tandis que les insurgés novorusses organisaient de leur côté leurs propres scrutins dimanche 2 novembre, marquées… par une participation massive et consacrant la partition de fait de l’Ukraine.

-* Pour passer l’hiver au chaud, l’UE a été contrainte, toute honte bue, de régler la note de gaz très salée de l’Ukraine , insolvable, à la Russie (3,1 milliards de dollars payables en deux mensualités, l’une avant fin novembre, l’autre avant fin décembre).

2. L’émancipation de l’Amérique du sud

Poutine et les BRICS (Brésil, Russie, Inde,Chine, Afrique du sud) viennent également de remporter l’enjeu crucial de la présidentielle brésilienne avec la victoire de Dilma Rousseff face au favori des États-Unis (favori par défaut suite au gadin retentissant subi par leur reine de cœur de départ, Marina Silva, déchue dès le premier tour).

Le goût pour l’émancipation ne se limite d’ailleurs pas au seul Brésil, mais s’étend à une frange de plus en plus conséquente du continent sud-américain. Après le nouveau triomphe d’Evo Morales en Bolivie, voilà que l’Uruguay, l’Argentine (Obama se rappellera sans doute longtemps les deux discours incendiaires prononcés par Cristina Kirchner à l’ONU) et même le Chili, donnent des signes de plus en plus impatients d’indépendance à l’égard du mentor nord-américain.

3. La dé-dollarisation accélérée en Asie (et ailleurs)

En Asie, le phénomène de dé-dollarisation s’accélère, passé sous silence en Occident, mais célébré en une des médias asiatiques à chaque nouvelle avancée. Pire, crise aidant, le cancer déborde désormais le seul continent asiatique : la semaine dernière, le gouvernement britannique a publié un nouvel emprunt obligataire libellé en renminbi (monnaie nationale de la République populaire de Chine, connue sous le nom de son unité de compte, le yuan).

Autant de coups très durs portés à l’hégémonie monétaire américaine par laquelle les États-Unis faisaient jusqu’à présent financer leur énorme dette par les autres . Rappelons que ce mouvement de dé-dollarisation fut entamé il y a peu via des accords d’échanges directs de pétrole et de gaz, payables en monnaies nationales, conclus par la Chine et… Poutine !

4. Le discours de Valdaï : « Fini de jouer, les mômes »

Non content de bénéficier d’une cote de popularité à faire pâlir de jalousie ses confrères du camp d’en face, Vladimir Poutine vient de délivrer un message qui risque fort de ne pas passer inaperçu aux oreilles de pays qui n’ont pas l’heur de faire partie de la cour rapprochée de Washington .

Invité à s’exprimer lors de la XIe session du Club international de discussion Valdaï dont le thème était « Ordre mondial : nouvelles règles ou jeu sans règles ? », Poutine annonça, très « directement et franchement », l’intention de la Russie de ne pas se laisser mener par le bout du nez par un empire occidental aux abois. Ceci quels que soient les risques encourus, qu’il ne nie d’ailleurs pas. Le webmagazine américain Zero Hedge paraphrase les propos du président russe à l’adresse de l’Occident en ces termes cruels :

« Fini de jouer, les mômes, rangez vos jouets. Maintenant, c’est aux adultes de prendre les décisions. La Russie est prête à ça. Et vous ? »

On peut penser ce qu’on veut de l’individu Poutine (en lisant cette chronique, certains ne manqueront pas d’y aller de leur petite réaction de rejet), on peut ne pas adhérer au système politique qu’il représente (c’est mon cas), mais difficile de nier, en entendant son discours, la qualité et la lucidité des propos qui y sont tenus. Vous ne le croyez pas ? Écoutez…


Vers un nouvel ordre mondial – Discours de Poutine au Club Valdaï le 24 Oct. 2014
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Temps de lecture : 4 minutes
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