Compte à rebours du climat. En direct de Lima (04). Paysans et indiens, rois efficaces du Sommet des Peuples

Claude-Marie Vadrot  • 9 décembre 2014
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Illustration - Compte à rebours du climat. En direct de Lima (04). Paysans et indiens, rois efficaces du Sommet des Peuples

Une heure avant l’inauguration du sommet les 4000 places de l’amphithéâtre étaient déjà pris d’assaut

Lundi soir la Cumbre de los Pueblos, le Sommet des peuples, a officiellement lancé son offensive contre la conférence des Nations Unies. Devant des milliers de personnes réunies dans l’amphithéâtre du Parc des expositions de Lima qui n’a pas pu accueillir tout le monde. Ce sont manifestement les paysans et les indiens, quels que soient leurs pays, qui ont pris fermement la responsabilité et le contrôle d’une manifestation qui semble attirer beaucoup de jeunes. Ce sommet des peuples apparait avant tout comme une réunion de paysans venus tenter de secouer les certitudes ou les indifférences des citadins. Pas seulement parce qu’il est dominé par des femmes et des hommes qui ont choisi d’arborer leurs habits traditionnels mais aussi parce que leur langage, celui de la colère, de la tristesse, de la crainte d’un avenir avec trop de chaleur et pas assez d’eau, est toujours très rude.

Langage brut et offensif révélateur d’un conflit qui n’est pas de génération mais de civilisation. Comme l’a expliqué un orateur descendu des Andes en faisant allusion, une des rares fois, au sommet officiel : « Il y a eux et il y a nous, nous n’appartenons plus à la même civilisation. Nous savons ce que nous plantons et récoltons et ils ne savent même pas ce qu’ils mangent. C’est à eux de changer et de respecter ce que nous proposons à la planète. Mais hélas, s’ils savent encore parfois ce qu’est l’agriculture, ils ne savent plus ce que sont les paysans, leurs rôles, la terre et les semences qui renaissent chaque année. Nous sauverons le monde, pas eux ; car ils ne savent même plus où nous habitons et ce que nous faisons puisqu’ils enseignent au Monde que nos terres ne sont que de usines à produire dont ils rêvent d’éliminer les êtres humains»

Même les chansons romantique parlaient d’agriculture « pour elle et lui »…

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Tous les thèmes abordés dans les stands et dans les discours d’ouverture ont donc tourné autour de l’alimentation, de l’agro-écologie, de la nourriture bio ou locale, des semences locales ou régionales et de la déforestation. Sans oublier la question de l’eau qui hante tous les paysans du Pérou, de l’Amérique Latine et de la planète. Les semences, les fruits, les légumes, les produits locaux ont été les vedettes applaudies de l’inauguration comme elles le resteront toute la semaine. Comme une obsession affirmée dans tous les discours et toutes les discussions. Comme une obsession de la souveraineté alimentaire appuyée sur des réalités présentes sur scène et dans tous les stands : les fruits de la terre portés comme des trophées par les gens qui travaillent cette terre en la respectant. Sur tous les tons, les paysans et les indiens –ce sont souvent les mêmes- parlent de la terre et de Mère Terre qu’ils aiment et respectent. Même lorsque dans un « acte théâtral » très applaudi, ils miment les affrontements entre les paysans et la police. Notamment quand il s’agit de les expulser pour ouvrir des mines ou installer de grandes exploitations agricoles qui exploitent les ressources en eau en voie de raréfaction.

La plus jeune des spectatrices s’est mise à danser dés l’arrivée d’un orchestre


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Ce fut donc une belle et revigorante inauguration dopée par de la musique, des chansons en espagnol ou en Quechua et les cornes d’appel des indiens des Andes. L’enthousiasme qui allait crescendo, buta en fin de parcours sur l’intervention de Susana Villaran de la Puente, maire de Lima. Les organisateurs ont eu beaucoup de difficultés pour calmer la bronca qui a accueillit et suivi l’intervention de l’alacadesa (le féminin pour maire existe en espagnol…) qui gère une ville de plus de 8 millions d’habitants où les problèmes environnementaux et de transport sont loin d’être réglés. Il fallut de longues minutes pour qu’une partie de la salle se calme et que se taisent les sifflets. Manifestement furieux d’une réaction qu’ils n’attendaient pas, les organisateurs ont multiplié les appels à l’unité et « au respect des différences ».

Après de longues discussions et joutes verbales dans les ateliers et au micro d’une radio provisoire, Radio Cumbre, qui émet sur Lima, tous ceux qui contestent le sommet officiel se retrouveront dans la rue mercredi 10 décembre à partir de 9 heures pour traverser la ville. Etant bien entendu, ont rappelé à plusieurs reprises les responsables de la Cumbre de los pueblos, que les indiens et les paysans devront être en tête de la manifestation.

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